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Liste des textes
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1 - Un bonheur hors saison
2 - Indifférence
3 - A mort !
4 - Adieu
5 - Danger
6 - Demande-moi
7 - La danse des diables
8 - L'amour le plus pur
9 - Dialogue
10 - Les lois de Babylone
11 - Conjugaison
12 - Hold-up
13 - Des paroles de réconfort
14 - La voix de l'Harmattan
15 - La Joconde
16 - L'avenir est dans les urnes
17 - L'Histoire
18 - Mon île
19 - Les petits pouvoirs
20 - Tu me disais
21 - Dur commerce
22 - Roméo et Julot
23 - Elle
24 - Le retour à Gaïa
25 - L'Hôtel du Passage
26 - Je ne veux pas mourir guéri !
27 - In memorium
28 - L'égoïsme
29 - Je t'écris
30 - Ton ami
31 - L'arbre et l'enfant
32 - L'imbécile
33 - Le plus beau des cadeaux
34 - L'art du ridicule
35 - La fuite
36 - La légende de Sarah-Jane
37 - La musique
38 - La route vers nulle part
39 - Le chenil des fous
40 - La tentation de Faust
41 - La vie à deux
42 - L'oubli
43 - La vieille
44 - Celle d'à coté
45 - Laisse-moi encore une chance
46 - Ma dernière volonté
47 - Salut l'artiste
48 - L'enfant de la rue
49 - L'amour ou l'amitié
50 - Mon rêve
51 - Ce n'était pas ce qu'elle voulait !
52 - L'apologie du mensonge
53 - Le bal des sorcières
54 - La vie est injuste !
55 - Le samouraï
56 - Robin des bois
57 - Mauvaise rencontre
58 - J'irai un jour
59 - Tête en l'air
60 - Le macho
61 - Star System
62 - Le mythe de la liberté
63 - Le voyage en train
64 - La peur du lendemain
65 - La conscience
66 - Au Dernier Paradis
67 - Mes rêves brisés
68 - Le deuil
69 - Le jour où je suis mort
70 - Ave Cesar
71 - La fin de l'histoire
72 - Il n'y a pas de belle mort
73 - Le dernier voyage
74 - Le grand escalier
75 - Maudit poète !
76 - Je m'aime
77 - Le misanthrope
78 - Ma seule défaite
79 - Le pardon
80 - Le pays de mes rêves
81 - Le langage des fleurs
82 - La société idéale
83 - Hymne à mes chefs
84 - Même si…
85 - Parenthèse
86 - Reine d'un jour
87 - Paternalisme
88 - Petit soldat
89 - R.I.P
90 - Près des yeux, loin du cœur
91 - Ta révolte
92 - Ma dernière demeure
93 - Les frères ennemis
94 - Mon chemin de croix
95 - Une valse à trois temps
96 - Un fragment de bonheur
97 - Pour rompre le silence
98 - Prier, s'évader
99 - Elle s'appelle…
100 - Je t'attends
101 - Quelques notes
102 - Vieillesse
103 - Un jour, on se reverra.
104 - Bon voyage
105 - Le vaisseau fantôme
106 - La masure
107 - Le vieil homme et l'Afrique
108 - Les marathoniens
109 - Casanova vieillit
110 - Au cimetière de mon rêve
111 - Les marées de l'amour
112 - Les menteurs
113 - Clandestin
114 - Le rond-de-cuir
115 - Terreur
116 - Lola
117 - L'univers du Bleu
118 - Mon coming out
119 - Automne capillaire
120 - Nuit de Noël
121 - La vie n'est pas un conte de fées !
122 - Le vrai-faux paradis
123 - Mon étoile
124 - Un peu d'air
125 - Rejoins-moi
126 - Le rêve d'une étoile
127 - L'amitié
128 - Le rêve sans fin
129 - La rupture
130 - Marche au pas !
131 - Serial Killer
132 - Si…
133 - Sans domicile
134 - Sans lui
135 - Le besoin et l'envie
136 - Sauver le monde
137 - Shéhérazade
138 - Si j'étais un fleuve
139 - Tout le monde a besoin d'amour
140 - Transit
141 - Une poussière d'étoile
142 - Une vie de rêve
143 - Tais-toi
144 - Tant qu'il y aura des murs
145 - Nous resterons des amis
146 - Vengeance
147 - Une ville, une nuit
148 - La société commerciale
149 - Grain de sable
150 - Voyages
151 - La Dame du Lac
152 - Près de moi
153 - Les vieux amants
154 - Paris-Québec
155 - Le mot manquant
156 - Un autre monde
157 - La rumeur
158 - L'amour est une prison
159 - Le désamour
160 - Ce n'est pas grand-chose
161 - In extremis
162 - Dracula
163 - Propos de basse-cour
164 - Confusion
165 - C'est loin l'Afrique
166 - Service public
167 - Conflit de générations
168 - Laisse-moi t'oublier
169 - Les amants du net
170 - Mon pays
171 - Le pouvoir de l'amour
172 - L'accident
173 - Chevalier malgré lui
174 - Automne
175 - La foule
176 - Qui suis-je ?
177 - Incapables d'aimer
178 - Autour du feu
179 - Qui a le droit ?
180 - Viens
181 - Les courants de la misère
182 - Les nouveaux jeux du cirque



1 - Un bonheur hors saison


Vingt ans, au printemps de ton bel âge,
Tu étais prête à tous les voyages.
C'était le début de ton histoire,
Sans les blessures de la mémoire.

Sous le soleil d'un été artificiel,
Toutes les rencontres étaient providentielles.
Chaque jour, une promesse de bonheur
Pour qu'elle éclaire toutes tes heures.

Mais en automne, déjà, s'assombrissaient tes soirs ;
Nulle étoile dans un ciel presque noir ;
Une grande aventure proche de sa fin
Et que tu commences à comprendre enfin.

En hiver, aujourd'hui, reste-t-il un rivage ?
Une île, une dernière terre sauvage ?
Au bout de ta route, un ultime refuge
Pour t'abriter la nuit du déluge ?

John, Clara et tous ceux de ton âge,
Te souviens-tu de leurs visages ?
Ils suivaient le même chemin avant de s'en aller,
Te laissant seule, sans plus personne à qui parler,
Que le dealer, ton marchand de quatre saisons
Qui ne veut te vendre qu'un bonheur hors saison.

Tu avais tous tes amis au début.
Insouciants, vous n'aviez pas d'autre but
Que d'aimer et découvrir les plaisirs
Et, sans jamais, penser pouvoir souffrir.

Vous aviez tous la même envie de bonheur,
La rage et la foi, la même candeur.
Vous viviez de partage et d'amitié,
Vous n'aviez aucun besoin de pitié.

Certains se sont arrêtés en chemin,
Ne sont plus là pour te tenir la main ;
Ils ne veulent plus ou ne peuvent plus ;
Pourquoi tu continues, tu ne sais plus.

Tu es perdue, tu cherches ta route,
Il n'y a plus seulement que le doute.
Tu ne sais plus combien dure le temps,
Tu sais que là-bas, personne n'attend,
Que le dealer, ton marchand de quatre saisons
Qui ne veut te vendre qu'un bonheur hors saison.

John, Clara et tous ceux de ton âge,
Te souviens-tu de leurs visages ?
Ils suivaient le même chemin avant de s'en aller,
Te laissant seule, sans plus personne à qui parler,
Que le dealer, ton marchand de quatre saisons
Qui ne veut te vendre qu'un bonheur hors saison.


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2 - Indifférence


Est-ce vraiment si loin d'ici
Qu'ils vivent sans être libres ?
Toi, tu te battras jusqu'au bout,
C'est écrit dans ton Grand Livre.
Toi, tu continueras debout.
Quelque chose qui te dépasse.
Choc en plein cœur,
Mais tout passe.
Pourquoi vouloir crier aux fous ?
Comment savoir qui sont les loups ?
Est-ce au Sud, est-ce en Orient,
Qu'ils survivent sans être égaux ?
Sous quel soleil, dans quel désert,
Sous quel hiver, dans quelle misère ?
C'est sûrement très loin d'ici,
Bien au-delà de l'horizon,
Sur les chemins d'autres destins.
Quelque chose qui te dépasse.
Choc en plein cœur,
Mais tout passe.
Pourquoi vouloir crier aux fous ?
Comment savoir qui sont les loups ?
Alors, tu peux rester assis.
Est-ce ta faute, celle des tiens,
S'il leur faut mourir en enfer ?
Ont-ils la foi et le courage ?
Ont-ils encore un peu d'espoir ?
Le paradis l'ont-ils cherché ?
Pourquoi ont-ils cessé d'y croire ?
Ils ont perdu leur idéal
Entre les murs de leur prison,
Et mérité leur purgatoire.
Quelque chose qui te dépasse.
Choc en plein cœur,
Mais tout passe.
Pourquoi vouloir crier aux fous ?
Comment savoir qui sont les loups ?
Alors, tu peux rester couché.
Une telle urgence, tant de colère,
Une telle révolte, tant d'impuissance.
Le cœur blessé, l'âme meurtrie,
Le désespoir à fleur de peau.
Et puis poussières dans ta mémoire.
Et, pour finir, l'indifférence
Pour oublier toute souffrance
Et retrouver ton innocence,
Puisque tu ne peux plus rien faire,
Puisque tu ne veux plus rien faire.
Quelque chose qui te dépasse.
Choc en plein cœur,
Mais tout passe.
Pourquoi vouloir crier aux fous ?
Comment savoir qui sont les loups ?


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3 - A mort !


L'abomination d'un crime
Réclame-t-elle vengeance ?
C'est un funeste engrenage !
Mais non, ce n'est que justice !
Est-il aucun crime juste
Qui puisse jamais réparer
Un autre commis avant lui ?
Depuis cette loi du Talion
Le monde a-t-il évolué ?
Bien sûr ! Puisque l'office a lieu
A l'aube ou au crépuscule !
Toutes les sensibilités
Sont soigneusement épargnées.
Certes, en quelques lieux obscurs,
La foule assiste, comme aux jeux,
A la mise à mort méritée
De la lie de l'Humanité.
Ce n'est pas la respectable
Marque de notre société.
Avec dignité, nous savons
Exécuter la volonté
De nos peuples souverains,
De punir, sans aucun regret,
Les odieux coupables en secret,
Loin de tout regard indiscret.
Nous sommes, nous, civilisés !
Mais est-ce vraiment différent ?
Sur la Grand Place publique
Ou dans une pièce intime,
Le passé reste écrit.
Et au sang, s'ajoute le sang
Versé ou cessant de couler
Dans des veines si impures,
Que mes doutes me paraissent
La pire des obscénités.
Mais je plains le bourreau...


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4 - Adieu


Je crois que jamais, au cours des mois précédents,
Je ne l'avais vue avoir peur ou bien cédant
Au découragement, à la résignation.
Elle luttait, comme elle faisait tout avec passion.

Je vois maintenant cette femme sur son lit,
Amaigrie, le regard absent, le teint pâli
Et je sais qu'elle n'a plus l'envie de poursuivre,
Mais qu'elle ne redoute pas ce qui va suivre.

Je reste devant elle, effrayé, impuissant.
Je voudrais tant pouvoir lui offrir tout mon sang
Pour guérir le sien, fleuve vicié et vicieux
Qui l'entraîne à la dérive vers d'autres cieux.

Je voudrais une trêve, un sursis, juste un jour,
Ou bien tout figer, tout suspendre, pour toujours.
Combien, j'aurais encore à me faire pardonner,
Et de poèmes que j'aimerais lui donner.

Je n'en ai plus le temps, l'occasion est passée.
Les instants présents s'enfuient déjà vers le passé
Et m'apprennent que les regrets sont inutiles,
Presque tout autant que les mots sont futiles.


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5 - Danger


Celui-là doit sûrement peindre avec ses pieds ;
L'autre a noyé sa plume dans l'encrier ;
Que demander à ce chanteur, sinon pitié ?
Et cet acteur qui ne pourra jamais briller ?
Mais je préfère de loin, pourquoi le nier,
Un artiste exécrable au plus fameux guerrier.
Chanson, vers, scène ou tableau ratés et foutus,
Sont bien moins dangereux qu'une balle perdue.


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6 - Demande-moi


Demande-moi ce que je ne possède pas ;
Exige de moi ce que je n'ai jamais dit ;
Ordonne-moi ce que je n'ose pas faire ;
J'irai partout chercher tout ce que tu voudras ;
Je trouverai les mots, sacrés ou maudits ;
J'aurai le courage d'un chevalier de fer.

Que m'importe ce que valent tes soupirants,
Je ne crains plus personne, pas même mes peurs ;
L'amour qui m'anime saura me transcender.
Je ne veux plus qu'être une ombre respirant
Ta douce présence et veillant sur ton bonheur.
Je suis prêt à tout ; Tu n'as qu'à le demander.

Je serai poète, magicien ou géant,
Celui que tu voudras et que tu choisiras ;
Je ne veux m'imposer ni respecter de loi,
Sauf celle de t'aimer de tout mon cœur béant ;
Je construirai tous les châteaux dont tu rêveras ;
Je suis prêt à tout, sauf… à renoncer à toi.


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7 - La danse des diables


Je serais prêt à tout donner
Pour partager, en plein accord,
Tes coups de blues, tes coups du sort ;
Mais tu ne veux me pardonner.

L'amour ne peut plus refleurir,
Il ne peut plus être sauvé.
J'ai des regrets... si tu savais...
J'avais du bonheur à t'offrir.

Toi tu te sens une autre femme
Et tu me laisses dans les flammes
Où dansent des diables vengeurs
Qui m'apprennent le malheur

Je serais prêt à tout laisser
Pour me tenir à tes cotés ;
Mais je sais bien la vérité,
Je ne ferais que te blesser.

Quand je repense à ces années,
Je te vois comme un mirage,
Juste au bord de ce rivage
Où tu allais te promener.

Toi tu te sens une autre femme
Et tu me laisses dans les flammes
Où dansent des diables vengeurs
Qui m'apprennent le malheur

Je serais prêt à tout jouer,
Jouer ma vie d'un coup de dé,
Si quelqu'un pouvait m'aider,
Me dire comment nous retrouver.

Tu as choisi une autre voie,
Loin de mon cœur et de ma vie,
Vers d'autres jours, d'autres envies,
Là où je n'entends plus ta voix.

Toi tu te sens une autre femme
Et tu me laisses dans les flammes
Où dansent des diables vengeurs
Qui m'apprennent le malheur
Ce qu'ils m'apprennent me fait peur
En se trompant, parfois on meurt
On meurt d'amour à chaque jour
Moi, chaque jour, je meurs d'amour


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8 - L'amour le plus pur


Elle fait l'amour avec ses yeux,
Immenses comme les cieux,
Le cœur plein de confiance
Et léger d'insouciance.
Elle ne veut qu'un sourire,
C'est tout ce qu'elle désire.
Le plus petit bonheur
Efface tous ses pleurs ;
Juste un baiser câlin
Ou un clin d'œil malin.
Elle est l'amour parfait.
Quand, dans son lit défait,
Elle s'éveille au matin,
Les gestes incertains,
Sa gaieté revient vite,
Dès que la visitent
Des visages connus.
Et elle se lève nue,
Si belle et impudique,
Et pourtant innocente,
D'une fraîcheur de menthe.
Mais que sera demain
Si de perverses mains
Viennent salir l'amour,
Le blesser pour toujours ?
Comment imaginer
Qu'il puisse, à peine né,
Subir l'ignominie
D'une horreur infinie ?
Ces hommes criminels
D'une tâche éternelle
Comprendront-ils un jour ?
L'enfance est pur amour.


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9 - Dialogue


A chaque seconde,
C'est un autre monde
Plus beau, plus lumineux,
Au-delà de mes vœux,
Que je vois dans ses yeux.

Un de ses sourires,
Un éclat de rire,
Valent tous les discours.
Un message d'amour
A garder pour toujours.

Il ne me parle pas.
D'ailleurs, il ne sait pas.
Il n'en a nul besoin.
En revanche, il prend soin
De ma vie, même au loin.

Je suis né avec lui.
C'est mon enfant.


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10 - Les lois de Babylone


A chaque pas, j'entends les nouveaux prophètes
Proclamer que je serai sauvé ou damné,
Selon que j'entrerai ou pas dans la fête
Célébrée depuis bien avant que je sois né.

Les apôtres sont légion, devenus marchands.
Les riches vitrines ont remplacé les autels.
Pour se laver de leurs pensées de mécréants,
Là, se dirigent en foule les fidèles.

Comme les pages d'un nouvel évangile
Indiquant le chemin de la félicité,
Les publicités, dans ce monde fragile,
Sont les tables de la Loi, les seules vérités :

L'inutile tu achèteras.
Et peu après tu jetteras.
Sans attendre tu remplaceras.
Et sans fin tu recommenceras.
Le saint Commerce tu respecteras.
Le seul Dieu Argent tu honoreras.

Moi l'inutile je n'en veux pas ;
Moi je veux chasser les marchands du temple ;
Et puis après, danser sur les autels
Avec la foule de tous les rebelles ;
Moi je ne veux pas suivre les lois
Des faux prophètes de Babylone.

Mais ils s'entêtent et ils me répètent :

L'inutile tu achèteras.
Et peu après tu jetteras.
Sans attendre tu remplaceras.
Et sans fin tu recommenceras.
Le saint Commerce tu respecteras.
Le seul Dieu Argent tu honoreras.

Mais je résiste et je persiste :

Moi l'inutile je n'en veux pas ;
Moi je veux chasser les marchands du temple ;
Et puis après, danser sur les autels
Avec la foule de tous les rebelles ;
Moi je ne veux pas suivre les lois
Des faux prophètes de Babylone.


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11 - Conjugaison


Je suis à toi
Tu es à lui
Il est parti
Nous restons seuls
Vous vous demandez :
"Ils délirent ou quoi ?"

J'avais pourtant bien appris toutes mes leçons,
Jusqu'à réciter par cœur mes conjugaisons.
Malheureusement, cela ne m'a pas servi
A comprendre comment fonctionne la vie…


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12 - Hold-up


Tout à coup, sans à-coup,
Sans me tordre le cou,
Je le vois sur la voie.
J'entends même sa voix,
Les tires qui freinent,
Le bruit des sirènes.
Cette grande bringue
Me pointe avec son flingue
Stop, au nom de la loi !
C'est le bon saint Eloi,
Le plus grand des shérifs.
Qui vient faire son rif.
Là, devant la banque,
Je suis comme un branque.
Mais je sors mon revolver,
Car y a pas de mystère :

Je m'appelle Dagobert,
Je suis le roi des gangsters.

T'inquiète, j'ai du matos,
J'ai pas peur des bastos
De l'autre baltringue
Qui frime avec son flingue !
Hé le bon saint Eloi !
Je m'assieds sur tes lois.
Si tu veux un carnage,
Moi je bute un otage.
J'ai besoin d'un répit,
J'veux plus voir un képi.
Alors nettoies la rue,
Dégage de ma vue.
Je garde mon butin,
J'suis pas du menu fretin.
Range ton attirail,
J'suis pas une racaille :

Je m'appelle Dagobert,
Je suis le roi des gangsters.

Qu'est ce qu'il fait ce ouf ?
J'ai pas l'temps d'dire ouf,
Il me lâche une valda.
Mais c'est quoi ce fada ?
J'la prends dans les tripes,
C'est la fin d'mon trip.
Je n'entends plus bien,
Je ne vois plus rien,
Que le bon saint Eloi,
Qui fait régner la loi,
Me passer les menottes,
Raide dans ses bottes.
C'est plus la peine,
Te joue pas la scène,
Moi c'était pour la maille,
Et toi pour une médaille.

Je m'appelais Dagobert,
J'étais le roi des gangsters.


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13 - Des paroles de réconfort



Des paroles de réconfort
Ne pourront me rendre plus fort.
Je sais que je suis possédé ;
Je hais ceux qui veulent m'aider.

Je ne peux plus rien diriger.
Je ne crois pas exagérer
En disant que, son souvenir
Hantera tout mon avenir.

Vous me dites de l'oublier.
Mais c'est vous les fous à lier.
Que savez-vous de mon amour
Que je revis jour après jour ?

Ce n'était que ma destinée
De me laisser assassiner
Par la seule que j'ai aimée
Plus que je n'aurais cru jamais.

Alors taisez-vous les vautours
Qui venez me tourner autour ;
Gardez pour vous votre pitié
Et puis aussi votre amitié.

Tous les sentiments du monde
Me paraissent si immondes,
Puisque aucun d'eux n'est capable
De me rendre moins coupable.

J'ai cent fois mérité mon sort,
Sans doute pire que la mort,
Parce que, moi, je l'ai blessée
Si souvent et qu'elle s'est lassée.

Vous me jouez votre scène :
Qu'elle n'en valait pas la peine,
Que je trouverai beaucoup mieux…
Vous êtes tellement odieux !

Je ne vous ai rien demandé ;
Alors, ne venez pas m'aider
Si vous lui manquez de respect.
Partez et laissez-moi en paix !


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14 - La voix de l'Harmattan


Ceux d'en face ne sont pas de sa race.
Ils s'affrontent, se détestent ou s'ignorent,
Parfois, se croisent en des rencontres futiles,
Sans rien partager d'autre que les mêmes peurs.
Quelques-uns uns, hélas trop rares, font exception
Car ils ont écouté la voix de l'Harmattan :
"Que le prédateur frappe le blanc ou le noir
Du zèbre, l'étrange et bel animal métis,
C'est un seul corps qui souffre, un seul cœur qui meurt."


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15 - La Joconde


Je n'ai jamais visité les musées,
Cette manie m'a toujours amusé.
Pourtant j'ai rencontré la Joconde.
C'est grâce à une fille un peu ronde,
Dessinant à la craie sur le trottoir.
C'était juste avant la tombée du soir,
Dans une rue du quartier Saint-Germain ;
J'avais pu voir la magie d'une main
Touchée par une grâce divine ;
Plus douce qu'une main qui câline,
Je la voyais caresser le béton,
Faisant naître les couleurs et les tons,
Le visage et le sourire pour finir.
Certains passaient sans même ralentir,
D'autres comme moi s'étaient arrêtés
En voyant cette éphémère beauté
Que Léonard n'aurait pas reniée.
J'étais ému, je ne peux le nier,
Et un peu triste aussi, à la pensée
Que ce tableau serait vite effacé.


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16 - L'avenir est dans les urnes


C'est une nouvelle opération séduction,
A chaque élection, sans jamais de surprise.
C'est à qui, au plus haut, portera la mise,
Pour être l'objet de toutes nos attentions.

Toutes ces diseuses de bonne aventure
Nous promettent à tous le bonheur éternel,
La neige en été ou l'océan au Sahel,
De ne plus jamais nous serrer la ceinture.

L'avenir est dans les urnes, clair et radieux.
S'il en est vraiment ainsi, alors plaise à Dieu
Que tous ces nouveaux prophètes soient les élus.

Pour les aider, nous irons demain communier
Et faire en sorte qu'ils soient choisis, reconnus,
Espérant que les derniers seront les premiers.


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17 - L'Histoire


L'Histoire n'est souvent que littérature,
Des récits rêvés de grandes aventures,
Ou la narration de simples anecdotes ;
A la vérité, un puissant antidote.

Ceux qui nous gouvernent savent qu'ils ont raison
De nous tenir tous éloignés de ce poison.
Mensonges et secrets sont les clés du pouvoir ;
Nous sommes indignes d'accéder à ce savoir.

Si tu contredis la version officielle,
Seras-tu lapidé, torturé ou brûlé,
Ou seulement ignoré, raillé, méprisé ?

Il faudrait une grâce providentielle,
Pour bien te protéger et t'éclairer assez
A la recherche vétilleuse du passé.


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18 - Mon île


C'est une île insolente
Belle et charmeuse
Sauvage et violente
Insouciante et heureuse
Mais sublime captive
Des flots qui l'entourent
Elle reste rétive
A d'hypocrites amours
Pour être aimé d'elle
Il ne suffit pas d'être un fils
Ou un compagnon fidèle
Il faut laisser le temps faire son office
Et l'observer, l'écouter et apprendre
Mille vies ne suffiraient pas pour comprendre
Tous les mystères qu'elle recèle.
Il faudrait, comme elle, être éternel.

A partir trop loin, trop longtemps,
La mémoire cède et les ombres s'installent.
Au mendiant de souvenirs, le temps ne fait pas charité.
J'ai trop regardé l'avenir, oublié mon passé,
Au mendiant de souvenirs, le temps ne fait pas charité.

J'ai grandi dans cette île.
J'en ai connu toutes les saisons,
Des larmes du ciel aux orages violents,
Des brûlures du soleil au retour des frimas.
J'ai quitté mon île,
Lui préférant des paysages
Tièdes, lisses et sans histoire.
Je l'ai oubliée si longtemps.
J'ai voulu revoir mon île,
Mon passé et mes racines.
Je n'ai rien retrouvé.
Ni les couleurs, ni les senteurs.
Mon île ne m'a pas reconnu.
Ai-je donc tant changé ?
Ou bien se venge-t-elle,
Cette amie délaissée ?

A partir trop loin, trop longtemps,
La mémoire cède et les ombres s'installent.
Au mendiant de souvenirs, le temps ne fait pas charité.
J'ai trop regardé l'avenir, oublié mon passé,
Au mendiant de souvenirs, le temps ne fait pas charité.


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19 - Les petits pouvoirs


Chacun dans sa sphère joue son petit potentat;
Un royaume sans partage, un état dans l'état.
Pour bien asseoir l'autorité, un uniforme
Ou un mandat officiel en bonne et due forme,
Un titre, un grade, une fonction pour le pouvoir
D'octroyer ou de refuser sans s'émouvoir.
Taisez-vous, vos papiers ! C'est le guichet d'en face…
Il faut subir, se résigner, quoiqu'on nous fasse.
Molosses ou roquets, ils ne font qu'aboyer
Et mordent parfois si nous osons sourciller.
Pensent-ils ainsi parvenir à oublier
La longueur de leur chaîne, le poids de leur collier ?


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20 - Tu me disais


Tu me disais : Si tu t'en lasse, j'irai repeindre les cieux
De toutes les couleurs de tes moindres désirs,
De tes caprices, tes envies, tes délires.
Pour tout réinventer, j'égalerai les Dieux.
Tu me disais :
Au milieu des étoiles, je mettrai des fleurs
Pour que tu t'allonge et t'endorme ravie, apaisée,
Heureuse et tranquille, bercée par mes baisers,
Déposés doucement en légère vapeur.
Tu me disais :
Je veillerai près de ta couche céleste,
Fidèle gardien, plein de courage et d'orgueil,
Guidant ton sommeil et t'évitant les écueils
Des rêves mauvais aux images funestes.
Tu me disais :
Toujours, à ton réveil, je serai là, tendu,
Guettant ton tout premier sourire, magique.
Et pour toi, je ferai jouer des musiques
Que même aucun ange n'a jamais entendues.
Tu me disais :
En agapes, je t'offrirai des fruits d'or.
Et je t'emmènerai visiter tous les mondes
Pour les animer de ton âme féconde.
Et nous recommencerons encore et encore…

Tu es parti, pour je ne sais quel mystère,
Ruinant ma vie par un tremblement de terre,
Rien qu'un doigt de feu, un zeste de tonnerre,
Un goût de cendres et une odeur amère.
Tu me disais, mais tu mentais
Je t'ai cru, mais j'ai perdu

Je te croyais :
Mon ciel est triste, il n'y a rien de pire,
Je n'ai plus nulle envie ni le moindre désir,
Seulement de me noyer dans mes souvenirs,
Où je te vois sans cesse me sourire.
Je te croyais :
Les étoiles sont mortes et les fleurs sont fanées ;
Je ne peux plus dormir depuis ton départ
Seule dans ce grand lit, je cherche ton regard,
Mais je sais bien que nos heures ont sonné.
Je te croyais :
J'espère chaque nuit comme la dernière ;
Il n'y a plus de musique et j'ai perdu la foi,
J'ai peur de me perdre dans ces mondes sans toi,
Tomber dans les pièges où n'est pas ta lumière.

Tu es parti, pour je ne sais quel mystère,
Ruinant ma vie par un tremblement de terre,
Rien qu'un doigt de feu, un zeste de tonnerre,
Un goût de cendres et une odeur amère.
Tu me disais, mais tu mentais
Je t'ai cru, mais j'ai perdu
Tu es parti, pour je ne sais quel mystère,
Ruinant ma vie par un tremblement de terre,
Rien qu'un doigt de feu, un zeste de tonnerre,
Un goût de cendres et une odeur amère.
Tu me disais, mais tu mentais
Je t'ai cru, mais j'ai perdu


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21 - Dur commerce


Elle fait commerce ; C'est ce qu'elle aime le moins.
C'est la vie ! On ne fait pas toujours ce qu'on veut.
Elle a un enfant, alors elle serre les poings.
Elle ne sait faire que ça ; Le fait de son mieux.

Elle affiche son sourire le plus commercial,
Propose aux passants son plus bel étalage,
En tous temps, même par le froid le plus glacial.
Elle pense que tout ça n'est plus de son âge.

Elle s'efforce de bien soigner son service.
Malgré son ennui qui la met au supplice,
Elle essaie de ne pas montrer son désespoir.

La concurrence est rude et le client est roi,
Voulant de la marchandise de premier choix.
Elle est prostituée sur son bout de trottoir.


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22 - Roméo et Julot


Deux garçons dans la rue qui se prennent la main;
Peut-être des mythes qui touchent à leur fin:
Paul et Virginie, Roméo et Juliette…
On voit deux filles se conter fleurette…

Le changement de l'ordre que l'on bouscule,
Sera jugé à l'aune du ridicule,
Et pas tant de la vertu ou de la morale.
Alors vivez votre vie, mais sans carnaval.

Soyez naturels et sachez rester dignes.
Vos préférences sont-elles des insignes
Qu'il vous faut arborer pour vous identifier?
Nous sommes tous des humains, quelque soit le sentier.

Roméo et Julot, Paulette et Virginie…
Et alors ? Pourquoi pas ? Je crois que personne ne rit,
De les voir vivre simples dans leur quotidien,
Loin des love parades sans lendemain.


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23 - Elle


Avec Elle, j'ai connu l'Enfer et le Paradis.
Je l'ai aimée, puis détestée,
Sans jamais cesser de l'aimer.
Elle était ma source vitale empoisonnée.

J'avais pris mon glaive à l'acier le mieux trempé,
J'étais son chevalier et son esclave.
J'avais tous les courages.
Dans les yeux, l'âme et le cœur, j'avais son image.

Je savais pourtant le combat sans issue,
Parce qu'il n'y avait pas d'autre ennemi
Que le temps, l'indifférence et l'ennui
Que déjà elle avait de notre vie.

Sentinelle à l'affût de tous les dangers,
Je ne l'ai pas vue me poignarder de son mieux,
Sans rien faire, juste en détournant les yeux,
S'enfuyant vers d'autres lieux sous d'autres cieux.

Mes remords et regrets se confondent aujourd'hui.
Je hais mon amour et j'aime ma détresse.
Par son absence, Elle reste encore la maîtresse
De chacun des instants que je vis par faiblesse.


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24 - Le retour à Gaïa


Au dernier souffle qui lentement s'éteindra,
Le vieux corps usé, fatigué s'apaisera.
Et l'esprit plus lucide que jamais la verra,
Dans une fulgurance, un scintillement,
Une explosion de couleurs, un ravissement,
A nulle autre pareille dans ses parements.
La fin de ta route.
La fin de tes doutes.
Tu connaîtras la paix du retour à Gaïa.


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25 - L'Hôtel du Passage


Une chambre d'hôtel à la place du cœur,
Où s'arrêtent une nuit d'inconnus voyageurs,
Venus sans bagages, ni l'idée de rester.
Elle sait bien tout cela, mais ne sait résister.
Elle garde l'espoir que, peut-être, une fois,
Un seul s'attardera et entendra sa voix
L'implorer de mentir, de ne pas lui dire
Que, déjà au matin, il pense à repartir.
L'accueil est aimable, le séjour luxueux,
Pourtant ils s'en vont, sans une promesse.
Une indifférence, qui encore la blesse.
Des fragments de sa vie, des petits souvenirs
Qu'elle tente d'oublier, d'un geste de la main.
Elle va changer les draps, et attend le prochain.

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage

C'est jamais complet à l'Hôtel du Passage
Y a qu'des chambres libres à l'Hôtel du Passage

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage

Derrière son comptoir, elle surveille l'entrée,
Elle va peut-être enfin pouvoir le rencontrer,
Son beau prince charmant, le client idéal,
Qui ne s'enfuira pas à la sortie du bal,
Un jeune premier, comme dans les illustrés.
Elle se prend à rêver, mais reste concentrée,
Il y a du T.A.F, il faut que tout soit parfait,
Elle n'a vraiment pas le temps de philosopher.
Elle refait la poussière et nettoie les carreaux.
C'est bientôt l'heure pil'poil du prochain T.G.V,
Elle ne doit surtout pas rater son arrivée.
Dans ce train, elle sent qu'il y a le bon wagon.
Il y a foule à la saison des vacances,
Mais elle sait qu'il est là, c'est son jour de chance.

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage

C'est jamais complet à l'Hôtel du Passage
Y a qu'des chambres libres à l'Hôtel du Passage

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage

Si elle se plante, elle essuie une larme,
Mais c'est pas pour ça qu'elle va rendre les armes.
Le petit soldat qui garde la caserne
A l'esprit qui s'évade dans la luzerne.
Mais elle reste là, pour monter la garde.
Même si personne n'y prend garde,
Elle soigne sa tenue, prête pour l'inspection.
Volontaire pour une mission séduction,
Elle accueille ses camarades de dortoir
Sans illusion, mais jamais sans s'émouvoir :
Ce sera encore une belle bataille ;
Elle récoltera peut-être une médaille,
Epinglée sur son cœur d'un pincement léger,
Et saura qu'elle a raison de tout partager.

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage

C'est jamais complet à l'Hôtel du Passage
Y a qu'des chambres libres à l'Hôtel du Passage

C'est la taulière de l'Hôtel du Passage
Il n'y a que pour elle que c'est le terminus
Ses pensionnaires n'attendent que l'omnibus
Pour s'tirer vite, sans laisser de message
A la taulière de l'Hôtel du Passage


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26 - Je ne veux pas mourir guéri !


Repens-toi, rentre dans le rang !
Fais donc soigner ce mauvais sang
Qui t'entraîne à méconnaître
L'enseignement de tes maîtres !

C'est là un très grand mystère,
Ce bien pénible clystère,
Que veulent tous nous prescrire
Ces médecins en délire.

Mais leur sacro-saint traitement,
Qu'ils nous délivrent savamment
Pour guérir notre morale,
N'est-il pas pire que le mal ?

Est-ce que je nuis à quelqu'un
A n'être pas tout à fait sain ?
Ou alors leur fais-je tant peur
A ces parangons de pudeur ?


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27 - In memorium


Faire l'oraison funèbre
D'un personnage célèbre,
Est un art très difficile
Et bien souvent inutile.

Les officiels, les m'as-tu-vu
Et la foule des parvenus,
Chacun y va de son couplet,
D'une litanie de regrets.

A supposer que le défunt
Fut, en son temps, un esprit fin,
Point vaniteux ni crédule,
Il fuirait ce ridicule.

C'est souvent de faire-valoir
A l'étalage d'un savoir
Que servent ces cérémonies,
En bonne et simple hypocrisie.

Mais peut-être aurait-il goûté,
Une tâche de vérité
Faite par des anonymes
Et la poignée des intimes.

Rien qu'un toast après la messe,
Non de faux airs de tristesse,
Aurait suffi comme aubade
Faite à un vieux camarade.


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28 - L'égoïsme


La raison du plus juste est toujours méprisée.
La fascination du Mal a d'autres attraits
Et pousse aisément à commettre des méfaits,
Des péchés véniels aux crimes les plus prisés.

L'égoïsme est la plus belle des qualités
Que l'on puisse rêver, pour bien se protéger.
Lui seul, dans la nasse, permet de surnager.
Il serait fou de croire à d'autres vérités.

L'angélisme est une faiblesse qui ne peut
Se traduire que par des discours sirupeux,
Et ne doit conduire qu'aux pires tragédies.

Mais si quelques-uns uns veulent emprunter ce chemin,
Où l'on sait encore apprendre à tendre la main,
Le monde est peut être moins laid qu'on ne le dit.


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29 - Je t'écris


Je t'écris cette lettre,
Que tu ne recevras pas.
Que je ne t'enverrai pas.
Mais je voudrais, y mettre
Tout mon cœur et mes regrets,
Sans craindre, pour une fois,
Que sans voiles tu me voies ;
T'avouer tous mes secrets.
Je t'écris ce soir pour la première fois
A l'encre de mes larmes, mais sans drame.
J'ai sorti des vieux tiroirs de ma mémoire
Tout ce que j'aurais voulu t'écrire avant.
Je t'écris ce soir pour la dernière fois.
J'espère que tu sauras lire
En filigrane sur mes mots,
Et que tu comprendras mes maux,
Ceux qui n'ont plus d'avenir.
Je voudrais que tu ressentes
Ce que je n'ose exprimer,
Ce que je tairai à jamais,
Tout ce que tu représentes.
J'aimerais que tu devines
Le sens de tous mes silences,
Et le poids de ton absence
Dans le vide de mes ruines.
Je voudrais que tu écoutes
Ces mots qui disent "Je t'aime",
Pour qu'enfin tu me comprennes,
Que tu n'aies plus aucun doute.
Je t'écris ce soir pour la première fois
A l'encre de mes larmes, mais sans drame.
J'ai sorti des vieux tiroirs de ma mémoire
Tout ce que j'aurais voulu t'écrire avant.
Je t'écris ce soir pour la dernière fois.
Notre histoire est sans issue.
Ton départ est sans retour.
Tu m'as quitté à ton tour.
Si seulement j'avais su…
Peut-être, il se pourrait
Que je puisse te revoir…
Mais nous devrions savoir,
Comme inutile serait
De nier l'évidence…
Je le sais. Je préfère, A ces pâles chimères,
Jouer l'indifférence,
Et continuer à crier
Ton prénom dans mes rêves,
Et même si j'en crève,
Te permettre d'oublier.
Je t'écris ce soir pour la première fois
A l'encre de mes larmes, mais sans drame.
J'ai sorti des vieux tiroirs de ma mémoire
Tout ce que j'aurais voulu t'écrire avant.
Je t'écris ce soir pour la dernière fois.


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30 - Ton ami


Je veux juste être ton ami,
Même encore plus intime.
Je ne me suis jamais remis
De cette blessure infime.

La cruelle indifférence
D'un sourire léger
Est la pire des offenses,
Que tu puisse m'infliger.

Tu ne vois pas ma présence,
Je ne suis qu'un miroir discret
Captant quelques confidences,
Sans rien lire de tes secrets.

Tes soupirs ont tous un prénom
Que je maudis en silence.
Comme un petit chien de salon,
Je contemple tes absences.

Je ne veux pas que tu pleures
Je ne pourrais plus me taire
Je ne veux pas que tu meures
Je ne saurais plus quoi faire
Ne me rejette pas
Ne m'abandonne pas
N'aies pas de gêne avec moi
N'aies pas de honte avec moi
Je sais que je ne suis pas lui
Mais je serai là chaque nuit

Je voudrais te faire oublier
Et que tu ne voies plus que moi,
Alors faut-il te supplier
Pour que tu vienne vers moi ?

Tu dois lire dans mon âme
Que tu n'es pas seule à souffrir ;
Tu dois sécher tes larmes
Et voir ce que j'ai à t'offrir.

Je voudrais que tu comprennes
Que, lui, ne t'a pas méritée,
Que ça ne vaut pas la peine
De te cacher la vérité.

Tu dois maintenant m'écouter,
Et commencer notre histoire.
Et ne plus jamais en douter,
Ça continuera chaque soir.

Je ne veux pas que tu pleures
Je ne pourrais plus me taire
Je ne veux pas que tu meures
Je ne saurais plus quoi faire
Ne me rejette pas
Ne m'abandonne pas
N'aies pas de gêne avec moi
N'aies pas de honte avec moi
Je sais que je ne suis pas lui
Mais je serai là chaque nuit


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31 - L'arbre et l'enfant


Lorsque ma mère m'a donné la vie,
Mon père a planté cet arbre.
Une balise, point dans l'infini,
Qui a laissé le Monde de marbre.

Deux êtres parmi la multitude,
Dans l'anonymat, l'indifférence.
Pour une famille, une fortitude.
A la nature, une révérence.

Arbre et enfant : insignifiance,
Deux poussières du Grand Univers.
Pourtant, quelle magnificence
Mettant valeurs et lois à l'envers.

Qu'est-ce qu'un arbre face à, la forêt,
Les grands paysages, l'immensité ?
Et qu'est-ce qu'un enfant, quel intérêt ?
Seuls comptent les peuples, l'Humanité.

Pourtant quelle divine quiétude
A l'ombre du géant impassible,
Quelle bienheureuse solitude
Que lui seul rend encore possible.

L'enfant n'est plus, seul l'arbre reconnaît
Cet homme qui compose avec le temps.
Si nul fol impie, un sacrilège ne commet,
Il me survivra bien longtemps.


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32 - L'imbécile


Il n'est point de personne plus sûre de soi,
Que l'imbécile qui ose tout, sans doute,
Et sans que rien ne l'arrête sur sa route.
L'imbécile a la foi et ne suit que sa loi.

Timidité, respect, ce sont de lourds boulets
Qu'il ne s'embarrassera jamais de traîner.
Si nous évitons de nous laisser entraîner,
Lui, sans nul complexe, se laissera aller.

Mais gardons espoir ! Ce n'est pas forcément vain!
Peut-être avons-nous tort de nous sous-estimer ?
Nos qualités ne demandent qu'à s'exprimer :
On sera toujours l'imbécile de quelqu'un !


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33 - Le plus beau des cadeaux


Elle m'a fait ce cadeau,
Ce qu'elle a de plus beau :
Elle m'a donné sa clé.
Ce n'est pas un palais,
C'est simplement son cœur
Attendant l'âme sœur
Et que j'ai rencontré,
M'invitant à entrer.


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34 - L'art du ridicule


Petit livres, rouge ou vert selon les contrées,
Pensées sacrées des guides et des prophètes,
Tous les grands illuminés sont de la fête,
Toutes les absurdités peuvent se rencontrer.

Au nom du divin ou des grands philosophes,
Le passé nous a enseignés, assurément,
Que l'homme est le plus grotesque des instruments,
Pour réaliser les meilleures catastrophes.

Quels passagers sensés se seraient embarqués
Avec un timonier amant de sirènes
Qui le bercent de leurs mélopées de haine ?
Qui d'autre que ceux à la raison étriquée ?

Quels voyageurs auraient pris de nuit le chemin
Eclairé par la faible lampe d'un passeur
Qui cherche lui-même à percer cette noirceur ?
Qui, sinon ceux qui ont peur et qui tendent la main ?

Bien souvent, il n'y a pas pléthore de choix ;
Seulement se taire et suivre en marchant au pas ;
Et ne pas discuter ce qu'on ne comprend pas,
Ignorant même qu'il existe d'autres lois.

Bien sûr, il n'est point besoin de fascicules
Pour apprendre un mauvais scénario funeste,
Mais il n'est pas d'une aide des plus modestes
Pour exceller dans cet art du ridicule.

La farce pourrait bien nous faire tous rire ;
Ce serait une erreur et surtout oublier
Que le ridicule peut aussi les tuer ;
Et que nous pourrions, nous aussi, tous en mourir.


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35 - La fuite


Il m'est inconcevable de suivre longtemps
Le pas de cette troupe amorphe,
Résignée à subir quelque catastrophe,
Cette assemblée de vieillards qui comptent le temps.

La révolte réside aussi dans la fuite
Puisque je ne peux réussir à tout changer.
Je ne veux savoir par qui je serai mangé.
Je préfère m'épargner de voir la suite.

J'aurai donc, au moins, le courage des lâches :
Mieux qu'esclave ou rebelle, je serai fuyard,
Pour me faire oublier, me terrer quelque part.

Mais il faut surtout que personne ne sache
Ma décision de faire ma révolution :
Demain, c'est sûr, je donnerai ma démission.


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36 - La légende de Sarah-Jane


Elle rêvait d'Hollywood dans son petit studio ;
On ne parle plus que d'elle sur les radios ;
Son portrait s'affiche sur les murs de sa rue ;
Elle pense, hormis la gloire, point de salut.

C'est la seule chose qui vaille la peine,
Le même triomphe sur toutes les scènes,
Partout, avant que le rideau ne retombe,
Et qu'elle s'en retourne à son théâtre d'ombres.

Elle signe des autographes et des photos,
Mais pour l'amour, la vie a posé son veto.
Comme toutes les étoiles, elle est seule
Et porte sa célébrité comme un linceul.

C'est la légende de sarah-Jane,
La cover-girl des magazines,
Une petite fille trop vite grandie,
Les ailes brûlées par les soleils,
Le cœur en miettes, à la dérive,
L'âme brisée, sa vie détruite
Par la légende de Sarah-Jane

Elle a tellement rêvé sa vie
En oubliant de la vivre,
Qu'elle n'a même plus envie
D'en feuilleter le grand livre.

Elle n'a pas quitté l'enfance.
Et n'a pas su se préparer
A affronter les souffrances
Qu'elle avait voulu censurer.

La réalité rattrape
Les rêveurs et les fugitifs
Qui basculent dans sa trappe,
Le temps d'un traquenard furtif

Le temps lui manque désormais.
Devant, ce n'est que le néant ;
Et derrière, que des regrets
Qui laissent un gouffre béant.

Elle voudrait juste s'endormir
Pour pouvoir encore rêver,
Juste un instant et se mentir,
Croire qu'elle peut être sauvée.

C'est la légende de sarah-Jane,
La cover-girl des magazines,
Une petite fille trop vite grandie,
Les ailes brûlées par les soleils,
Le cœur en miettes, à la dérive,
L'âme brisée, sa vie détruite
Par la légende de Sarah-Jane

Aujourd'hui, elle reconnaît à peine sa voix,
N'est plus aussi sûre d'avoir trouvé sa voie.
Elle se demande si tout ça vaut la peine,
Encore, de chanter et mourir sur scène.

Et elle se souvient de la petite fille
Qui rêvait déjà d'attraper ce qui brille,
Au premier rang, aux côtés de ses idoles,
Pour pouvoir enfin jouer les premiers rôles.

Elle ne veut pas décevoir tous ceux qui l'aiment,
Alors, elle continuera jusqu'au bout, même
Si elle sait qu'elle restera, seule, fidèle
A ce que tous les autres attendent d'elle.

C'est la légende de sarah-Jane,
La cover-girl des magazines,
Une petite fille trop vite grandie,
Les ailes brûlées par les soleils,
Le cœur en miettes, à la dérive,
L'âme brisée, sa vie détruite
Par la légende de Sarah-Jane


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37 - La musique


Des mains agiles qui courent sur un piano
Ou virevoltent sur les cordes d'un banjo,
Font le miracle quotidien des musiciens,
Plus beau, plus fort que tous les tours des magiciens.

Quelques accords et quelques notes valent mieux
Que tous les longs discours vaseux et prétentieux;
Compris partout, par tous, langage universel ,
La musique est folklore, classique ou gospel.

Les différentes variations d'un même élan
Laissent tous les adeptes sur un même plan,
Celui de l'émotion plus que de la raison.

La musique exprime les peines, la douleur;
Elle s'adapte toujours à l'humeur, aux saisons;
Elle dira, mieux que les mots, ma joie, ma douleur.


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38 - La route vers nulle part


C'est une très longue route vers nulle part.
Tracée par quelque géomètre facétieux.
Ouvragée par des cohortes de cantonniers
Précédant les rangs bien serrés des voyageurs.

De chaque côté, montagne et précipice
Rendent impossible tout chemin de traverse.
Apres des années de marche et quelques chutes,
Le pas se fait plus traînant bien que résigné.

La fin du voyage est espérée et redoutée.
Ceux que l'on suivait sont, eux, déjà arrivés.
Prendre leurs traces ne donne aucun réconfort,
Seulement de la tristesse pour ceux qui suivent.

Tant d'efforts, tant de blessures, pour quel accueil ?
Là-bas, il y aura-t-il seulement quelqu'un
Pour nous dire les raisons de cette épreuve ?
Ou rien d'autre que le silence et le néant ?


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39 - Le chenil des fous


Ils élèvent leurs enfants, comme une meute
Dressée à devenir féroce et enragée,
Hurlant toujours au premier rang des émeutes,
Tous remplaçables du plus jeune au plus âgé.

Ils les nourrissent à la mort et à la haine,
Pour qu'ils soient dignes de leur mission :
Que dans la cité, la montagne ou la plaine,
Ils traquent leur gibier sans nulle concession.

Ils leur disent de n'attendre récompense
Qu'au-delà de la vie, de Dieu qui seul pense,
Et seulement, si la chasse a été bonne,
Qu'ils entendront tous les divins cors qui sonnent.

Ils veillent à la pureté de leur race ;
La bonté serait un signe de disgrâce.
Ils n'ont que faire des sentiments paternels ;
Seule compte leur folie de servir l'Eternel.


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40 - La tentation de Faust


Si seulement je pouvais quitter cet enfer,
Je serais prêt à renoncer au paradis.
Je ne crois plus à ce qu'on m'a dit de faire,
Tout le bonheur que je veux, c'est pour aujourd'hui.

Comme ils m'ont trahi, je trahirai mes frères.
Je suis comme Faust qui attendrait Méphisto :
De mon âme, je suis prêt à me défaire.
Je ne regrette qu'il ne soit pas venu plus tôt.

J'ai, de plus en plus souvent, cette tentation
De la nuit qui me rendra la lumière.
C'est assez, je ne veux plus prêter attention
A la morale qui me laisse en arrière.

Je sais qu'il est un ami des plus dangereux,
Alors je renonce, comme à l'habitude.
Je sais être digne, sans être plus heureux
Et je demeure dans cette solitude.


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41 - La vie à deux


On se déchire et on oublie
Tous les mots, les pleurs et les cris
Qui disaient que tout est fini,
Que l'horloge a sonné minuit.

On espère encore y croire,
Du passé, ne plus rien savoir
Et conserver tous deux l'espoir,
Que devant nous tout n'est pas noir,

Les cadeaux et les poèmes,
Les baisers et les je t'aime,
Sont à chaque fois des promesses
Que plus jamais on ne se blesse.

Mais après un moment de clémence,
Nous retombons dans la démence.
Les scènes, les portes qui claquent
Et puis nous remettons nos masques.

Peut-on s'aimer sans se haïr ?
Doit-on rester ou bien partir ?
Se détester, pourtant s'aimer ?
Est-ce qu'on le saura jamais ?


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42 - L'oubli


La peau ridée, les cheveux blanchis ne sont rien.
Ce que l'on nomme conscience ou mémoire,
Est un cruel fardeau bien plus lourd à porter.
Les erreurs, les fautes ou bien les crimes d'hier,
Deviennent chaque jour plus présents, plus pesants.
Ni soins ni châtiments, ni regrets ni remords,
Ne guérissent le bourreau ou ses victimes.
Seul l'impossible oubli serait un paradis.


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43 - La vieille


Je n'ai pas su garder ma rage jusqu'ici.
Au long du fil en pointillé de mes récits,
Mes souvenirs sont moins présents et fidèles.
Je ne suis plus aussi sauvage et rebelle.

Lui, reste enthousiaste après ces aventures.
Il fait penser à une vieille voiture
Au moteur bien trop fort pour la carrosserie ;
Le corps fatigué, mais le cœur toujours épris.

C'est vrai, nous sommes devenus vieux ensemble,
Mais chez lui, je ne vois rien qui me ressemble.
Il me sourit, avec sa sollicitude,
Je ne ressens rien d'autre que l'habitude.

Je me rappelle que notre vie fut un combat
Vainqueur de tous les obstacles, les hauts, les bas.
Je ne sais plus pourquoi j'étais à ses côtés
Et à quel moment j'ai commencé à douter.

Je ne suis pas aigrie, je n'ai pas de rancœur ;
Je ne suis pas une vieille femme sans cœur ;
Seulement un cœur ne peut plus fonctionner,
Car le temps est trop long depuis que je suis née.


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44 - Celle d'à coté


Tu viens squatter mes pensées
Tu m'payes même pas de loyer :
Pas un sourire, un regard,
Comme si j'étais un ringard !
Mais j'peux me passer de toi,
J'suis très bien seul sous mon toit.
Si tu viens j'ouvrirai pas !
Pourtant, je guette ton pas,
A chaque bruit je bondis.
Mais qu'est ce que tu fais, dis?
Je t'attends toutes les nuits.
Jusqu'au bout de mon ennui,
Je compte les heures qui sonnent.
L'oreille au mur, je t'espionne,
Qu'ai-je pu donc faire au ciel,
Pour être amoureux de celle
Qui chaque jour m'assassine,
Mon adorable voisine?


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45 - Laisse-moi encore une chance


A quoi bon te dire que je suis désolé,
Maintenant qu'il est trop tard, que le mal est fait ?
Tu savais pourtant que je n'étais pas parfait.
Dans tous les mauvais coups, je me laisse enrôler.

Je sais bien que je t'avais promis de changer.
Ne baisse pas les bras, ne perds pas confiance,
Je t'en prie, laisse-moi encore une chance.
Tu verras, tout finira bien par s'arranger.

Si tu le veux, nous pourrons tout recommencer.
Pardonne-moi, demain tout sera oublié.
Rien n'y fera, nous resterons toujours liés.
C'est la colère qui te fait dire "Assez" !

Danger quand tu n'es pas là pour guider mes pas !
Tu sais me remettre sur la bonne route.
Je peux compter sur toi. Je n'ai aucun doute…
Mais au fond, je sais que tu ne reviendras pas.


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46 - Ma dernière volonté


Je ne veux plus vous écouter ;
Je ne veux plus me souvenir ;
Je ne veux plus vous en parler ;
Je ne veux plus y réfléchir.

Je ne veux plus autant souffrir ;
Je ne veux plus jamais vous voir ;
Je ne veux plus jamais sortir ;
Je ne veux plus après ce soir.

Je ne veux plus rien entendre ;
Je ne veux plus de cette erreur ;
Je ne recherche plus le bonheur.

Je ne veux plus que m'étendre ;
Je ne veux plus que m'endormir
Et je ne veux plus que mourir.


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47 - Salut l'artiste


A ma dernière représentation,
Dites seulement "Salut l'artiste".
Ne soyez surtout pas tristes.
Ayez pour moi cette attention.
Reconnaissez-moi ce talent
Que je n'aurai pas eu avant,
D'avoir, juste avant le grand saut,
Enfin eu le dernier mot.


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48 - L'enfant de la rue


La vie dans la rue n'a plus de secret pour lui,
Même aux heures les plus avancées de la nuit ;
Je ne sais quel acharnement d'un mauvais sort
L'a conduit à en connaître tous les ressors.
Mais gardez donc pour vous vos réflexions stupides,
Si son âme juvénile a déjà des rides,
C'est parce que des gens comme nous l'ont laissé
Sur le bord du chemin, se sentir délaissé,
Méprisé, trahi, exclu, inutile.
Sans penser à demain, pour survivre il pratique
En expert toutes sortes de petits trafics.

Qu'importe ! Retournons à nos plaisirs futiles !
Nous ne pouvons pas nous charger de la misère,
Ce fléau qui gangrène la planète entière ;
Nous ne pouvons pas aider ces gens si nombreux !
Quoi que nous fassions, ce serait tellement peu !
Ce discours soulage peut-être la conscience
En justifiant notre coupable indifférence.
Lorsque l'on dit ne pas vouloir en aider qu'un,
En général, on ne vient au secours d'aucun.


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49 - L'amour ou l'amitié


Comment savoir si c'est l'amour ou l'amitié ?
Quelle question qui me torture sans pitié !
Nous avons vécu ensemble depuis toujours,
Et, tout soudainement, aurait surgi l'amour ?

Nous avons grandi tous deux comme frère et sœur,
Deux enfants complices et parfois chamailleurs.
Nous savions deviner les pensées de l'autre ;
Maintenant, j'ai peur de ce que sont les nôtres.

Je vois, dans tes yeux qui me fuient, cette crainte
De te tromper comme moi, la même plainte.
Devons nous prendre le risque de tout détruire,
Ou celui de voir à jamais l'amour s'enfuir ?


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50 - Mon rêve


Elle n'était qu'un rêve,
Mais j'aimais mon rêve.
Je l'aime toujours,
Comme aux plus beaux jours,
Le temps des merveilles,
Juste avant l'éveil
Qui encore prolonge
Le plus beaux des songes
Que je fais de celle,
Belle et irréelle,
Qui vit dans mon rêve,
Sans jamais de trêve.


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51 - Ce n'était pas ce qu'elle voulait !



Elle pensait qu'il allait mourir,
Qu'il ne pourrait pas supporter
D'avoir été ainsi quitté,
Qu'il apprendrait le mot souffrir.

Recevoir une correction,
C'était tout ce qu'il méritait.
Elle voulait, avant de rentrer
Lui donner une punition.

Croyant que c'était suffisant,
Elle décida qu'il était temps,
Qu'elle le trouverait repentant.
Elle vit un être méprisant.

Elle avait été remplacée,
Une autre occupait sa maison.
Elle crut qu'elle perdait la raison.
Elle n'était que du passé.

Elle a joué avec le feu,
Elle croyait avoir les atouts,
Il ne lui reste plus rien du tout,
La vie lui joue un tour affreux.

Mieux vaut dire ce que l'on pense,
Que de laisser interpréter
Une fausse réalité.
Elle a compris la différence.


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52 - L'apologie du mensonge


L'important n'est pas d'avoir tort ou bien raison,
Car la vérité change selon les saisons.
Celui qui, aujourd'hui, est de tous écouté,
Sera, demain, méprisé, raillé, rejeté.
Il vous faut donc prendre la direction du vent,
Avant que d'exprimer le moindre sentiment.
Et que vous importe s'il est sincère ou pas,
L'essentiel est de ne pas se tromper de pas
Dans la danse burlesque du grand carnaval.
Soyez très prudent. Toute erreur serait fatale!
Ne cherchez pas à comprendre le bien-fondé,
Votre âme n'aura pas besoin d'être sondée
Pour s'attacher à bien servir vos intérêts.
Soyez malins et le poisson sera ferré !
On vous prodiguera les plus grandes largesses
Et on célébrera votre grande sagesse,
Si vous savez, non comprendre, mais écouter
Tous les discours fumeux, sans être déroutés,
Et applaudir, non celui qui sait parler vrai,
Mais l'autre aux propos venimeux et acérés.
On vous saura gré d'être un éminent menteur,
Mais pas un de ces pitoyables amateurs
Ne sachant pas que le mensonge d'aujourd'hui
Est celui que la vérité d'hier induit.
L'erreur est humaine? Il n'est rien de plus vrai !
Alors soyez diaboliques, persévérez !


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53 - Le bal des sorcières


Ce soir de lune pleine, Phylène est fière ;
Elle se rend au bal des apprenties sorcières.
Son carnet est plein pour la danse des balais ;
Merlin et Morgane l'attendent au palais.

Lorsqu'elle aura franchi les portes branlantes
Du repaire, elle sentira, pantelante,
Le souffle fétide et charmant de l'assemblée,
S'efforcera, avec soin, de leur ressembler.

Un peu honteuse de son teint juvénile,
Comparé à celui des hôtes séniles,
Elle ira sans doute vers le buffet, d'un bond,
Se revigorer d'un filtre nauséabond.

Puis, un peu grisée, plus que jamais décidée,
Elle montrera l'assurance d'une décédée,
Echangeant quelques sortilèges de politesse
Avec ses aînées, maléfiques papesses.

Et ensuite, que de ravissants cauchemars,
Elle fera, épuisée, sur son pouilleux plumard,
Sûre de, très bientôt, devenir célèbre
Au sein du très exquis monde des ténèbres.


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54 - La vie est injuste !


La vie est injuste, se dit amère la vieille femme:
C'est moi qui tout au long de l'année m'échine,
Fais les travaux domestiques les plus ingrats
Et bouillir la marmite pour toute la famille.
Pendant ce temps, mon époux se prélasse;
Pas une fois, il ne m'a proposé de m'aider;
Il n'a jamais fait réciter leurs leçons aux petits;
Son embonpoint témoigne qu'il ne fait que manger,
Avant de retourner se coucher, épuisé par cet effort !
Pourtant, tout le monde l'admire et m'ignore!
Et pourquoi? Pour une seule soirée d'imposture!
A la fin de chaque année, il met son déguisement
Et emmène avec lui nos enfants les lutins
Se promener et se montrer dans son beau traîneau;
Pour attirer la sympathie du plus grand nombre,
Il distribue, en veux-tu en voilà, des cadeaux,
Qui, bien sûr, ont été payés à la sueur de mon front!
Alors, tout le monde l'aime et attend son retour,
Lui chante des chansons d'amour larmoyantes,
Et l'appelle même , je crois rêver, "petit papa"…
Lui ! Autant père indigne que mauvais mari !
Ah! Quel triste sort que celui de la Mère Noël !


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55 - Le samouraï


Priez pour que personne ne raille
Le fier et féroce samouraï.
Vous auriez sinon à vous cacher,
Pour ne pas finir en viande hachée.
Même si vous n'étiez pas coupable,
Il serait néanmoins capable,
De débiter en fines rondelles,
Les vieillards, enfants et demoiselles
Passant à portée de son sabre,
Les barbus, les chauves, les glabres,
Bref, tous, sans aucune distinction,
Se trouvant dans son champ de vision.
Soyez donc d'une extrême prudence,
Ne le laissez pas se mettre en transes,
Sous peine de subir sa colère,
Pour avoir été trop téméraire.


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56 - Robin des bois


C'est un conte d'antan :
Il y a fort longtemps,
Dans la belle forêt,
Soudain, il apparaît
Pour dépouiller les riches,
Tous les vilains qui trichent;
C'est le gentil Robin,
Le voleur plus malin
Que les sbires du Shérif
Et qui laisse sa griffe
En se servant de son arc.
Il n'aime pas l'arnaque,
Il refait le partage
Au profit des plus sages,
Des plus déshérités,
Qui ont bien mérité
Un peu de compassion.
Il est plein de passion.
Oui, mais c'était naguère,
Avant les grandes guerres.
Le valeureux Robin
A fait comme les pains:
Il s'est multiplié,
Mais sans se bonifier.
Il vole tout le monde,
Son affaire est féconde.
Il prend tout ce qu'il trouve.
La fièvre de l'or couve
Sous son chapeau à plume.
Son cœur est une enclume.
Il y en a des milliers,
Robins éparpillés
Qui n'ont rien de gentils.
Et toi, pauvre ou nanti,
Si tu croise un Robin,
Continue ton chemin.


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57 - Mauvaise rencontre


Ils manient le couteau, le cutter, le rasoir
Pour détrousser les passants, dans les rues, le soir;
Ils règnent sans partage sur leur territoire,
Ils sont craints et redoutés sur tous les trottoirs;
Il vaut mieux pour vous que vous ne puissiez les voir,
Ce serait vraiment une rencontre bien noire
Qui vous laisserait au-delà du désespoir
Si, par malchance, vous tombiez sur les loubards.


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58 - J'irai un jour


C'est un jardin calme et tranquille,
A l'écart de la grande ville ;
On peut y goûter la quiétude
D'une sereine solitude ;
J'aime cet endroit où j'irai un de ces jours
Et j'espère y passer un paisible séjour.
Là-bas, lorsque vous viendrez me rendre visite,
Ce sera à votre heure, sans que je vous invite.
Vous m'offrirez, sans doute, un bouquet de fleurs,
Mais, de grâce, ne l'arrosez pas de vos pleurs,
Car je ne serai pas à plaindre dans l'allée
Du beau et frais cimetière des azalées.


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59 - Tête en l'air


A bien des années-lumière
De ma modeste chaumière,
Je vois briller cet astre
Qui se fout du désastre
De ce monde dérisoire
Qui s'enfonce sans espoir.
Pour fuir la réalité,
Il n'y a, en vérité,
Que deux façons de marcher:
Essayer de se cacher,
Les yeux rivés sur ses pieds,
Au niveau de ses souliers;
Ou en cherchant la beauté,
Là-haut, dans la voie lactée.
Oui, je manque de courage
Mais je suis dans les nuages,
Et mon décor est plus beau
Que le sinistre tableau,
Peint par d'autres, tout autour,
Sans les couleurs de l'amour.


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60 - Le macho


Même pas mal, moi !
Qu'est-ce que tu crois, toi ?
Que j'ai peur de toi?
J'm'en fous pas mal, moi !
J'suis un vrai macho !
C'est moi le plus beau !
J'roule des biscottos
Et j'fais pas dans l'mélo !
J'vais pas t'supplier,
Te demander pitié,
Me casse pas les pieds !
J'vais encor' gagner !
Mais je t'en supplie,
Ma p'tite Julie,
Dis pas qu'tu m'oublies,
Que tout est fini …


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61 - Star System


Avez-vous vraiment besoin des idoles,
Pour qui la foule en délire s'affole?
Vous vous plaisez donc dans cette eau croupie
Où pataugent et se noient les groupies?
Vous les prenez pour de vrais demi-dieux
Mais elles n'existeraient pas sans vos yeux
Qui les font briller, lueurs éphémères,
Illusions, magie sans aucun mystère.
Lorsque vous retrouverez la raison,
Elles n'auront duré que quelques saisons.
Alors, vous chercherez d'autres modèles,
Que vous voudrez aussi croire éternels.


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62 - Le mythe de la liberté


Ils veulent me contrôler,
M'empêcher de m'envoler,
M'interdire de rêver;
Ils m'attendent à l'arrivée
Pour me jeter en prison,
Mettre en cage ma raison,
M'arracher le cœur, les yeux,
Me faire croire à leurs dieux,
Effacer mes souvenirs
Et gommer mon avenir;
Prêtres, chefs, maîtres ou patrons,
Ils se conduisent en matons;
C'est la seule vérité:
Je n'ai pas de liberté
Et je ne suis qu'un jouet
Sous les coups de leurs fouets.


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63 - Le voyage en train


Le voyage passe paisible.
Les paysages invisibles
N'arrivent pas à distraire
Mes pensées solitaires.

Je suis surpris d'être arrivé
Lorsque je suis soudain privé
Du régulier balancement
Qui m'avait bercé doucement.

Je descends de ce train parqué,
Pour arpenter ce triste quai
Où tous ces gens pressent le pas,
Et où, toi, tu ne m'attends pas.


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64 - La peur du lendemain


J'ai le grand regret de ces tourments délicieux,
Où régnait l'équivoque d'un bonheur anxieux .
Je sais aujourd'hui que j'aurais dû profiter
Du jour présent qui, seul, détient la vérité.

Je ne pouvais chasser la peur de te perdre.
Mon amour, solide chêne ou très grand cèdre
Et ma confiance, paille couchée par le vent.
J'aurais voulu lire l'avenir en savant.

La crainte d'être dépossédé de mon bien,
Que tu parte et que je me retrouve sans rien,
A-t-elle influencé le destin vers le pire?

Est-ce que les affres assassinent l'amour
Ou alors entretiennent son feu et l'attirent?
Tu n'es plus là et je m'interroge toujours.


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65 - La conscience


Je serai le fantôme qui viendra t'épier
Et qui, chaque nuit, te tirera par les pieds.
Je serai cette petite voix infernale
Qui te harcèlera pour te faire du mal.
Je te réciterai tes regrets, tes remords
Tout au long de ta vie, jusqu'au jour de ta mort.
Tu verras, tu ne connaîtras jamais la paix,
Rien n'y fera, ni ta crainte ni ton respect;
Tu ne pourras pas te débarrasser de moi,
Car je suis bien au-dessus de toutes les lois.
Ferme-toi les yeux et bouche-toi les oreilles,
Je serai là, dans ton sommeil, à ton réveil,
Je me tiendrai à tes côtés, fais moi confiance,
Je ne te lâcherai pas, je suis ta conscience.


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66 - Au Dernier Paradis


Elle avait déjà visité tous les paradis
Distillés, en poudre ou en fumée. Fades.
Elle a voulu en rejoindre un plus haut, maudit,
Où même les anges ont des seringues crades.
C'est une fête céleste, éternelle.
Les noceurs se pressent à l'entrée ; Bousculade.
Au début, l'ambiance est chaude et fraternelle,
Mais se gâte très vite. Dégringolade.
Elle commence à croire que les cieux sont pourris :
Apollon qui tremble, est en manque et malade.
Dans l'obscurité, elle en voit un seul qui sourit :
Cupidon looké en dealer ; Sérénade.
Au bal des anges,
Tout le monde peut entrer ;
Pluton le portier
Laisse la porte ouverte,
Pas besoin d'être invité
Dans cette boîte étrange,
Au Dernier Paradis.
Dans un coin, Mercure, sapé comme un milord,
Le boss, surveille le business ; Sinistrose.
Bacchus, le vieux barman, médite sur son sort ;
Il fait la gueule à cause de sa cirrhose.
Et entre les tables, Diane part en chasse ;
Comme Vénus, elle tapine juste pour une dose.
Avachi sur une banquette, la grande classe,
Mars a perdu son tout dernier combat ; Overdose.
Au bal des anges,
Tout le monde peut entrer ;
Pluton le portier
Laisse la porte ouverte,
Pas besoin d'être invité
Dans cette boîte étrange,
Au Dernier Paradis.
Tandis que Vulcain a grillé les lumières,
Pan le D.J s'écroule sur ses platines.
Jupiter et Junon, les tauliers de la Dream-Team,
Comptent la recette et licencient la caissière.
Elle postule pour le job,
Pour faire partie des anges.
Au Dernier Paradis,
Tout le monde peut entrer ;
Pluton le portier
Laisse la porte ouverte,
Pas besoin d'être invité
Dans cette boîte étrange,
Au Dernier Paradis.


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67 - Mes rêves brisés


Mes rêves ne se sont pas tous réalisés ;
Certains ont perdu de leur attrait en route
Et d'autres, trop fragiles, ont été brisés.
Mon enthousiasme a cédé la place au doute.

Change-t-on de rêve comme de chemise,
Peut-on les réparer lorsqu'ils ne marchent plus ?
Je souhaiterais tant que quelqu'un me le dise.
Peut-on les remplacer ? Je ne l'ai jamais su.

S'il n'y a que les vivants qui puissent rêver,
Je suis depuis très longtemps proche de la mort.
Celui qui, de ces moments rares, est sevré
N'aura jamais à redouter plus triste sort


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68 - Le deuil


Le cercle de la famille et du clan en deuil,
Dans un silence pesant, veille son cercueil,
Avant de l'emporter, pour un ultime adieu,
A l'ombre du caveau où dorment ses aïeux.

Que laisse-t-il après lui ? Remords ou regrets ?
Ou bien emmène-t-il de terribles secrets ?
Que pensent-ils vraiment, tous ces gens recueillis ?
Hormis les pleureuses, aucun n'a défailli.

Est-ce leur courage ou bien la dignité
D'un dernier hommage et du respect mérité ?
Sont-ils insensibles, soulagés à la fin
De ce rituel, d'abandonner le défunt ?

Visages hermétiques au point qu'ils ne peuvent
Révéler de sentiments qui les émeuvent.
Se sont-ils aimés ? Pas assez ? Ou détestés ?
Que signifie pour eux cette boite lestée ?

Etranges compagnons d'un dernier voyage,
Qui prend l'allure d'un sinistre naufrage,
Où aucune bouée ne peut être lancée,
Où même sa mémoire semble menacée.


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69 - Le jour où je suis mort


Il n'y a pas longtemps du jour où je suis mort.
C'était en décembre… ou peut être en janvier…
Ou alors…Je ne sais plus… Quelle importance ?
Le temps désormais m'est familier moins qu'avant.
Mais je me souviens très bien du sombre décor :
Les rochers noirs assiégeant les falaises
Et plus haut, les chemins sous le vent qui voyaient
Mes longues et solitaires errances éthyliques
Ce n'était certes pas un cadre idyllique,
Mais, je l'assure, il en valait bien un autre
Et convenait à ma nature désespérée
Depuis que l'amour m'avait trompé, trahi.
Je savais le premier pas seul difficile.
Et après tout, ce serait aussi le dernier.
J'avais pris le grand soin de faire provision,
Pour me soutenir, de courage en bouteilles.
Aussi, je crois que je n'ai presque pas hésité…
Je suis sûr et certain de n'avoir pas crié.
Mais il est vrai que je n'en ai guère eu le temps.
La chute fut plus courte que prévue.
Quelques secondes et c'était déjà du passé.
J'aurais été fier, si j'avais vécu encore…
Mais aujourd'hui, mort, j'affirmerai bien moins fort
Que j'ai eu raison de ne pas faire un brouillon
De mon tout dernier exercice de style.


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70 - Ave Cesar


Majestueux attelage
Ou vif bolide,
Racé coursier,
Impulsif pur-sang…
Tu te dois de choisir
Une monture digne de toi,
Rapide et puissante,
Invincible et dominatrice.

Tu régneras sur les routes,
Empereur du bitume.

Sans lever le pied,
Accélérant encore plus,
L'œil sûr , l'esprit alerte,
Ultime dieu vivant,
Toisant ceux que tu dépasses
Avec un sourire triomphant.
N'as tu point consulté les augures ?
Tu régneras jusqu'à l'accident.


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71 - La fin de l'histoire


Maintenant qu'est venue l'heure de nous quitter,
Nous n'avons plus à nous cacher la vérité,
Nous pouvons nous avouer nos vrais sentiments,
Car nous savons que nous ne serons plus amants.

Qui de nous peut expliquer ce qui s'est passé
Pour que notre amour si fort ait pu se casser
Et que, même en miettes, il reste si présent
Comme un lien éternel, plus fort que ceux du sang.

La liberté, tant voulue, laisse un goût amer
Et nous rend désemparés, ne sachant que faire
De cette éternité à vivre séparés.

Nous aurions presque l'envie de recommencer
Et de croire que tout peut être réparé,
Mais nous nous éloignons, en personnes sensées.


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72 - Il n'y a pas de belle mort


Pour mourir en héros, trop vieux !
Ça ne ferait pas très sérieux.
Tu as laissé passer ton heure
De faire admirer ton malheur.

Contente-toi de ton cancer,
Meurs sans bruit, sans en avoir l'air,
N'attends pas des tonnes de fleurs
Pour être mort à vingt à l'heure.

Tu sais que tu n'as plus vingt ans,
Tu n'en as plus pour très longtemps,
Alors ne sois pas si pressé,
Tu vas finir par nous lasser.

La mort n'est pas si romantique,
Laisse tes accents poétiques
Aux plus jeunes, qui croient encore
A la beauté de son décor.


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73 - Le dernier voyage


Elle a rangé ses affaires,
Elle n'a pas trop à s'en faire;
Privilège de son âge,
Elle n'a pas peur du voyage.

Ils sont tous venus la voir,
Unis, dans cet au revoir
Qui la touche droit au cœur.
Elle doit s'en aller ailleurs.

Ils voudraient la retenir,
Mais il faut vraiment partir,
Ne prendre aucun retard,
Pour ce train déjà en gare.

Elle qui n'a jamais quitté
Sa maison ni sa cité,
S'en va sans voie de retour,
En leur léguant son amour.


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74 - Le grand escalier


Gravir, marche après marche, le grand escalier,
En s'arrêtant parfois aux différents paliers,
Mais portant toujours le regard vers le haut,
Laissant en chemin des souvenirs oubliés.

Cette longue et pénible ascension de la vie
N'est jamais certaine de toucher à son but;
La fatigue peut avoir raison de l'envie,
A force de supporter tous les coups reçus.

Certains nous expliquent la raison de grimper,
Sans qu'il nous soit possible de vraiment savoir
S'ils inventent ou nous disent la vérité,
Puisque personne n'est redescendu nous voir.


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75 - Maudit poète !


Tu es le champion de la versification,
Tu mets mensonges et vérités en poèmes.
Vrai virtuose de la falsification,
Tu enrobes de miel ou de fiel tes "je t'aime".

On ne sait plus où tu vas ni ce que tu veux.
Les choses simples méritent simplicité.
Il faudrait comprendre, pour répondre à tes vœux
Et discerner dans tes rimes, la vérité.

Des timides, la poésie est le langage,
C'est aussi, des menteurs, l'irritant apanage.
Parle un peu comme nous, pour y voir un peu clair.

Es-tu amoureux transi, faussaire génial?
Tes mots sont fleuris, pour les autres c'est l'enfer,
Car aimer un poète est un sort infernal.


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76 - Je m'aime


Le matin, sur mon miroir, j'écris "Je m'aime";
Je ne me quitte jamais tellement je m'aime;
Même si personne ne m'aime, moi je m'aime;
Je ne me fais jamais de scène tellement je m'aime,
Parce que , plus fort que leur haine, moi je m'aime;
Je me donne toujours raison tellement je m'aime;
Souvent, pour me rassurer je me demande si je m'aime
Et je m'entends répondre "n'aies pas peur, je m'aime";
Alors, satisfait, je dis "moi aussi, je m'aime";
C'est pour tout ça que je m'aime.


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77 - Le misanthrope


On le prend pour un fou car il parle à son chien,
Mais, avant, c'est à eux qu'il s'était adressé.
Personne n'écoutait, alors il s'est lassé.
Désormais, on lui parle, mais lui n'entend rien.

La curiosité a remplacé le mépris.
Amusés ou émus, certains viennent à lui.
Ceux qui hier l'ignoraient, l'observent surpris.
Mais leur sollicitude nouvelle l'ennuie.

Il avait tant voulu être de leurs proches,
Mais il n'avait reçu aucun signe en retour.
Pour autant, il ne leur fait aucun reproche.
Il veut simplement qu'on le laisse pour toujours.

Il a choisi de suivre son propre sentier:
Il peut bien les faire rire ou faire pitié,
Il s'en moque, seul son chien lui est important.
Il n'a plus besoin de personne maintenant.
C'est l'histoire d'un vieux bonhomme solitaire,
Comme on en voit beaucoup, des plus ordinaires.

Il bénit ce rendez-vous manqué avec eux.
Ces gens murmurent, il les entend jacasser ;
Il préfère les abandonner à leurs jeux ;
Et s'ils lui sourient, il les voit grimacer.

Unique et fidèle compagnon de sa vie.
Comme si les mots qu'il lui dit étaient sacrés,
La bête l'écoute, attentionnée et ravie
De garder tout pour elle comme des secrets.

C'est décidément un curieux personnage
Qui fuit tous ses semblables pour un animal.
Son chien n'est même pas de race et sans âge.
C'est un misanthrope. Il n'y a pas grand mal.

Il a choisi de suivre son propre sentier :
Il peut bien les faire rire ou faire pitié,
Il s'en moque, seul son chien lui est important.
Il n'a plus besoin de personne maintenant.
C'est l'histoire d'un vieux bonhomme solitaire,
Comme on en voit beaucoup, des plus ordinaires.


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78 - Ma seule défaite


Le conquérant ignore l'idée de la défaite
Et ne connaît que le chemin de la victoire,
Celui qui mène à son triomphe et à sa gloire.
Les lendemains de batailles sont jours de fête.

Je n'ai jamais pu imaginer d'autre issue
Qu'heureuse et récompensant toutes mes actions.
A tous problèmes, je trouve mes solutions,
Moins souvent doucement qu'à grands coups de massue.

Je suis capable d'affronter tous les dangers,
Je me sens tous les courages, tous les pouvoirs,
C'est en moi, bien au-delà de tous les savoirs,
Et pourtant, à m'aimer, je ne peux t'obliger.


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79 - Le pardon


J'ai appris, hélas à mes dépens, qu'en amour,
Demander pardon est un acte égoïste,
Qui ne résout jamais rien et mène toujours
Au pathétique et à se sentir plus triste.

C'est pour soi-même qu'on espère le pardon,
Pour se soulager, être un peu moins coupable.
En vain, la nature humaine n'a pas ce don,
Et aucune victime n'en est capable.

C'est parfaitement inutile et tragique
D'y croire, car derrière les apparences
Du pardon, comme par un effet magique,
Il ne reste plus rien que l'indifférence.

Lorsque le mal est fait, c'est comme une impasse.
Alors, on peut bien se tourner de toutes parts,
Aucune faute ne s'oublie, ne s'efface.
Quand on demande pardon, c'est déjà trop tard.


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80 - Le pays de mes rêves


Je marche seul dans la forêt fraîche et sombre.
Il me semble savoir où je vais, peut-être.
La dense canopée empêche toute ombre.
Rien d'inquiétant. Et même un certain bien-être.

Les fougères et les orchidées sauvages
Donneraient à d'autres l'envie d'une pause,
Mais je ne veux interrompre mon voyage,
Car ma destination est tout autre chose.

Enfin, au bout de cette longue randonnée,
J'arrive à la lisière des bois, et je vois
Le plus beau des endroits qu'on puisse imaginer,
Baigné de lumière comme les autres fois.

Les couleurs du ciel se mêlent celles d'en bas
Dans les eaux jaillissantes d'une cascade ;
Des chevaux et des cerfs marchent du même pas,
Paisibles ou en joyeuse cavalcade.

Un sentiment de plénitude m'élève,
Au retour à ce paradis d'une autre vie
Ou seulement du vieux pays de mes rêves.
La nuit prochaine, je le reverrai, ravi.


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81 - Le langage des fleurs


Le joli langage des fleurs
Est le seul qui ne fait pas peur,
Car il murmure doucement
Les mots pour les dire autrement.

Pour la plus belle fleur, je planterai
Des anémones, avec persévérance,
Soutenant les roses de mon amour.
Je veux réaffirmer, jour après jour,
Avec des Dahlias, ma reconnaissance
Au Grand Jardinier qui a su créer
Une si grande et parfaite beauté.
Je n'oserai, même avec des bleuets,
Envoyer des tulipes pour lui dire
Que dans mon âme, il n'a que des lys
Et des arums abritant les géraniums
Et les gardénias de mes sentiments.
Si je me tais et n'admire jamais
Les bouquets de jacinthe et de jasmin,
Je garderai mes souvenirs de menthe,
Poserai des gentianes sur mon cœur
Et puis j'irai mêler des myosotis
Aux glaïeuls de mon rendez-vous manqué.


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82 - La société idéale


Passés dans la machine à broyer le cerveau,
Nous irons tous rejoindre le troupeau des veaux
Qui, bien dociles, de l'étable à l'abattoir,
Ont, depuis longtemps, abandonné tout espoir
D'être autre chose qu'un steack dans l'assiette
De ceux qui nous mènent à la baguette
Et nous poussent en cadence infernale
Pour bâtir leur société idéale.


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83 - Hymne à mes chefs


Commandez, dites-moi quels sont tous vos désirs,
Je suis ductile et toujours là pour vous servir.
Vous qui êtes l'élite de nos gouvernants,
Faites ce qu'il vous plaira de votre servant ;
Vous savez bien que jamais je ne me rebelle.
D'ailleurs, vous en avez comme moi à la pelle,
Vous n'auriez aucune peine à me remplacer
En cas de parole et de pensée déplacées,
Tandis que nul ne saurait tenir votre rang.
Pour preuve : vous régnez depuis la nuit des temps !
J'ai pourtant, je crois, pourtant la liberté de choisir,
Mais je n'aime pas l'inconnu pour avenir.
Je ma préfère ma très petite condition
A ces stupides farces de révolution.
Soyez tranquilles, je garde tout mon bon sens :
Demain, je prends les mêmes et je recommence…


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84 - Même si…


Même si demain tu n'étais plus là,
Même si tu ne me répondais pas,
Je répéterais cent fois ton nom,
J'implorerai à genoux ton pardon.

Ton absence occuperait tous mes jours,
Mes nuits, chacun des instants, pour toujours.
Au loin, tu serais pourtant près de moi.
Car ma seule réalité c'est toi.

Je saurais réinventer l'univers
Et bousculer ce vieux monde à l'envers,
Spectateur et acteur du film sans fin
De mon rêve où tu m'aimerais enfin.


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85 - Parenthèse


La vie prend l'allure d'un cheval au galop,
Emballé, fou, que nul ne peut plus diriger,
Et la force imparable d'une vague enragée.
Je veux faire une pause, poser mon stylo,
Arrêter de bosser, me remettre à rêver,
D'une belle plage cachée sous les pavés.
Quelques instants volés suffisent à faire,
Dans mon coin, en silence, ma révolution.
Mais soudain, je découvre le regard de fer
Du chef de bureau, gardien des institutions.
Alors, sans vraiment me sentir plus à l'aise,
Je referme cette brève parenthèse.


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86 - Reine d'un jour


N'ayez aucune peur si elle montre les dents,
C'est juste pour rire, ou plutôt sourire.
Mais certains disent qu'il n'y a rien de pire,
Qu'un diadème sur la tête et rien en dedans.
C'est pourtant la plus démocratique élection,
Pas vraiment de quoi faire une révolution.
Une reine de beauté…Laissons la régner,
Ce n'est pas elle qui va beaucoup nous gêner.


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87 - Paternalisme


Ce que vous preniez pour de la timidité,
N'était qu'immense mépris que j'avais de vous.
Je savais qu'il n'y a pas de fatalité
A demeurer pour très longtemps sous un tel joug.

J'aurais dû donc partir, vous quitter sans un mot,
Mais je n'ai pu m'y résoudre sans vous dire,
Que votre amitié était le pire des maux,
Que jamais je n'ai connu plus tristes sires.

Vous pensez, sans doute : Quelle ingratitude !
Vous êtes offusqués et vous n'en revenez pas !
Vous n'admettez pas une telle attitude,
Mais n'attendez surtout pas de mea culpa.

Vous me prenez pour un chien qui mord cette main
Qui l'avait, tant de fois, caressé et nourri.
Mais c'est votre laisse qui m'a fait être chien ;
C'est ce paternalisme qui a tout pourri.

Le bonheur en échange de la dignité !
C'est avant tout pour vous sentir admirables,
Que vous voulez ignorer toute liberté.
Je ne peux rien y trouver de respectable.


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88 - Petit soldat


Viens donc petit soldat, présenter les armes
A tes prédécesseurs, ces héros médaillés,
Qui savent la beauté du sang et des larmes
Répandus sur des paysages mitraillés.

Avant de partir, écoute bien leur histoire.
Ils te diront de suivre toujours le drapeau,
De taire ta peur, de penser à la gloire,
Et que seul ton courage sauvera ta peau.

Ceux qui ne sont pas revenus ne diront rien.
C'est dommage, ils auraient pu te raconter
Comme on tue, comme on meurt, sans l'avoir mérité.

Bientôt tu seras ou des uns ou des autres :
Des fleurs, juste un nom gravé sur une plaque,
Ou élevant bien haut l'étendard qui claque.


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89 - R.I.P


Elle se revoit, naguère,
Versant toutes ses larmes,
Maudissant cette guerre,
Redoutant le bruit des armes.

Elle ne pleure plus désormais.
La paix est enfin revenue.
Hélas, pas son fils tant aimé.
Elle attend la mort bienvenue.

Il n'y a pas eu de linceul,
Elle n'a pas eu cette chance
Qu'on la laisse faire son deuil.
Porté disparu ! Quel non-sens !


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90 - Près des yeux, loin du cœur


Que faut-il pour nous émouvoir
Du malheur de tous nos frères ?
Avons-nous vraiment un pouvoir,
Sinon celui des prières ?

C'est un enfant agonisant,
Sur l'écran de télévision,
Un corps mutilé et gisant,
Une insoutenable vision.

Ou c'est une femme inconnue,
Brimée, mise en servitude,
Interdite de tête nue,
Loin, sous d'autres latitudes.

Une obole généreuse,
Dans le sein des saints donateurs,
A une contrée malheureuse,
Et nous sommes alors bienfaiteurs.

La bonté et la compassion
Qui sont dans notre nature,
Ne font pourtant pas attention
A de proches aventures.

Une détresse ordinaire,
De l'autre côté du pallier,
D'un pauvre vieux solitaire,
A qui on ne veut se lier.

Ou la tragédie banale
De ce mendiant sans abri,
Qu'une parole amicale
Pourrait sortir un peu du gris.

La misère, certainement,
Loin, est moins contagieuse.
Celle d'ici, assurément,
Semble si fallacieuse.

Rien qu'un geste lapidaire
Pour étouffer la conscience
Et nous sentir solidaires,
Surtout par bienséance.

C'est déjà ça ! Plus que d'autres!
C'est une aide salutaire.
Mais n'oublions pas les nôtres
Dans l'action humanitaire.


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91 - Ta révolte


Elle était jeune et sauvage;
Elle était bien de ton âge;
Elle pouvait être effrontée;
Elle pouvait tout affronter.

Le temps a rogné ses ailes;
Elle est devenue moins belle,
Beaucoup plus raisonnable,
Tellement plus affable.

Elle n'effraie plus comme avant;
Sophistiquée, dans le vent,
Elle ferait plutôt sourire
Ceux qui préféraient la fuir.

Elle est la caricature
De ses propres aventures;
Vois-tu ce qu'est devenue
Ta révolte mise à nue ?


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92 - Ma dernière demeure


J'ai refermé la porte à clé derrière moi,
Laissant sur le seuil, tout sentiment, tout émoi,
Restant seul dans cette maison que j'ai choisie,
Où les meubles, les rideaux sentent le moisi.

C'est ici que demeurent tous mes souvenirs;
C'est avec eux que je préfère finir
Le reste du temps que je laisserai couler,
Dans un ordre que rien ne viendra chambouler.

Certains résident dans des taudis, des palais,
Selon leur fortune, grandioses ou très laids:
J'ai voulu pour seul toit, celui de ma mémoire
Où je consulte en secret de vieux grimoires.

Je renonce aux voyages et à la lumière;
Je reste sourd aux appels de la terre entière;
Je ne réclame, comme seule compagnie,
Que mes regrets, jusqu'au jour de mon agonie.

J'avais rêvé, naguère, d'un autre séjour
Qui m'a été refusé, celui de l'amour.
L'envie m'a fui, de chercher un autre logis,
Me laissant, consentant, entrer en léthargie.


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93 - Les frères ennemis


Il avait levé les mains
Pour implorer sa pitié,
Au nom de leur amitié.
Il ne verra pas demain.

Avant, ils étaient amis.
Leurs dieux les ont séparés.
Sans y être préparés,
Ils étaient ennemis.

Même en priant pour la paix,
Chaque jour de leur côté,
Que de vies ils ont ôtées,
Sans montrer aucun respect.

Est-ce la haine ou la peur
Qui l'a ainsi rendu sourd
A cet appel au secours ?
Il a tiré en plein cœur.


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94 - Mon chemin de croix


Au fonds des salles obscures,
Dans les bars, je fais ma cure.
Un verre, deux, trois, quatre ou dix,
Il ne reste aucun indice
De cette réalité,
Ni de la sobriété
Qui veut m'obliger à voir
Ce monde laid et si noir.
Dans les volutes bleutées,
Je trouve ma volupté
Et je me sens qui m'envole,
Aussi léger et frivole
Que la fumée qui s'enfuit
Et disparaît dans la nuit.
Je m'enfume et m'enivre,
Aussi sérieux qu'un livre,
Car mon autodestruction
Mérite quelque attention.
Il faut tenir la cadence
Chaque soir qui recommence.
Le vin et autres breuvages
Feront le même carnage,
Si, très consciencieusement,
Je m'applique lentement
A poursuivre dans l'ivresse
Le chemin de la sagesse.
Loin de vainement lutter,
Je ne veux que réciter,
Pour me tenir compagnie,
L'alcoolisée litanie
des dévotions d'un bigot,
A la lueur d'un mégot.


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95 - Une valse à trois temps


Naître, vivre et mourir,
Une valse à trois temps
Connue depuis longtemps,
Difficile à décrire.

Néophyte intrigué,
Je suivais la musique,
Imitant les mimiques
Des danseurs fatigués.

J'ai marché sur des pieds
Et fait souffrir les miens,
Sans jamais dire rien,
Gardant un port altier.

J'ai appris à danser,
Mais ni mieux ni moins bien
Qu'un lord ou un vaurien.
J'en ai déjà assez.

Commençant à faiblir
Vers la fin du grand bal,
Lassé des bacchanales,
Il est temps de partir.


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96 - Un fragment de bonheur


Une fois l'an, les querelles sont remisées.
Elles sont, comme les lumières, tamisées,
Adoucies par une unanime volonté
De faire preuve d'un peu de fraternité.

Chacun essaie de se montrer sous un bon jour
Et s'il n'y a pas de débordement d'amour,
La trêve est déjà un miracle de Noël,
Qu'un instant, on fait semblant de croire éternel.

Et si la tentation d'être plus exigeants
Venait, il suffirait de penser à ces gens
Qui n'auront même pas cette chance un moment.
Il faut savoir vivre le bonheur par fragments.


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97 - Pour rompre le silence


Ils se mettent en ordre de bataille
Ou se jettent, fougueux, dans la mêlée,
Se font discrets ou délateurs zélés,
Petits ou gros, ils sont de toutes tailles.

Parfois habiles, souvent maladroits,
Ils sont les derniers à rester présents.
Et même s'ils ne sont pas suffisants,
A notre reconnaissance ils ont droit.

Mais nous devons parfois les faire taire,
Si nous voulons que demeurent secrets,
Nos sentiments, nos espoirs, nos regrets.
Ce ne sont que des mots jetés en l'air.


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98 - Prier, s'évader


Je voudrais un jour tout quitter,
Retrouver la sérénité
Connue lors de mon enfance
Et surtout l'insouciance.

Cette vie ne m'apporte rien.
Gens respectables ou vauriens,
Tous courent après le pouvoir.
Je n'ai plus envie de les voir.

Je ne sais pas s'il existe
Un seul endroit qui résiste
Encore à cette démence.
Il aurait ma préférence.

C'est peut-être dans mon esprit,
Alors, faute de mieux, je prie.
Cette foi est-elle évasion
Ou simplement une illusion ?


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99 - Elle s'appelle…


Elle s'appelle Camille ou Alison,
Elle me sourit à chaque heure qui sonne:
Elle s'appelle Sarah ou Alice,
Elle sait faire de ma vie un délice;
Elle s'appelle Myriel ou bien Laurence,
Et souvent elle m'entraîne dans ses danses;
Elle ne vit que dans mes rêves perdus,
Cette fille que nous n'avons pas eu.


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100 - Je t'attends


Tel l'enfant du Sud qui n'a jamais vu l'hiver,
Ou celui des montagnes découvrant la mer,
Je sais que, toi, tu mettras mon cœur à l'envers
A la seconde où je croiserais tes yeux verts.

Je t'ai tant rêvée, que tu ne peux qu'exister.
Je suis sûr que ce songe deviendra vérité.
Ce monde d'illusions n'a de réalité
Que si nous pouvons, ensemble, le visiter.

Mais, peut-être as-tu le regard noir ou bien bleu,
Qu'importe la couleur, tu me rendras heureux,
En peignant mes jours de tous les tons harmonieux
Des pays que nous traverserons tous les deux.


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101 - Quelques notes


Il jouait du violon,
Assis devant la maison
Sur un vieux banc de guingois,
Et ce n'était que pour moi.

D'un simple morceau de bois,
Il provoquait un émoi
Que je n'ai pas retrouvé,
Jamais, après ces années.

Je le revois sourire,
Et même parfois rire,
Au milieu de ces notes
Qu'aujourd'hui je pianote.

Une mélodie d'avant,
Un petit air en passant,
Précieux souvenir d'hier,
Celui de mon grand-père.


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102 - Vieillesse


La ville et le vieux
Sont avancés dans l'automne.
Presque déjà en hiver.
Chaque jour pluvieux,
Chaque jour plus vieux,
Le froid s'installe
Et le gris vire au blanc.
Certains jours,
Les artères se bouchent,
Les bouches d'égouts débordent,
Le dégoût borde la bouche.
Dans la nuit et l'ennui,
Le vieux veille dans la vieille ville.


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103 - Un jour, on se reverra.


Un jour, on se reverra.
Le temps nous rattrapera
Pour nous mettre tous en rangs,
Frères, sœurs du même sang,
Soldats d'une même armée.
Nous nous serons tant aimés
Ou tellement détestés,
Camouflé la vérité
Ou balancé des injures
Et supporté des souillures.
Certains auront commandé
Et les autres appréhendé
D'être obligés d'obéir,
Comme un troupeau de martyrs.
Nous finirons tous égaux,
Rétablis de tous nos maux,
Cessant de faire la guerre,
Dans le même cimetière.


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104 - Bon voyage


Si tu pouvais croire encore longtemps aux princesses,
Aux histoires magiques des contes de fées,
Sans que rien dans la réalité ne te blesse,
Je serais heureux du voyage que j'ai fait.

Je t'ai accompagné aussi loin que j'ai pu,
Redoutant à chaque instant de te voir chuter,
T'aimant et te protégeant du mieux que j'ai pu:
Il est grand temps maintenant de m'arrêter.

Tu devras poursuivre ta route sans mon aide,
Trouver par toi-même la bonne direction
Sans te laisser distraire par les intermèdes
Et garder le regard sur ta destination.

Malheureusement, je ne peux pas te jurer
D'être là à ton arrivée pour t'accueillir.
J'ai fait semblant, essayant de te rassurer,
D'avoir des certitudes, sans jamais faillir.

Je ne suis certain, ni du but, ni du chemin,
Ni de la raison de ce long pèlerinage.
Peu m'importe, car ma seule peur pour demain
Est de ne plus avoir dans les yeux ton image.


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105 - Le vaisseau fantôme


Sur les eaux troubles et saumâtres de mon âme,
Vogue un vieux sentiment proche du naufrage,
Un souvenir presque oublié, d'un autre âge,
Teinté des couleurs lugubres du drame.

Certains jours d'éclaircie me permettent de voir
Ce fantôme surgi d'un passé plus heureux,
Comme une épave qui n'a plus rien de glorieux.
M'aurait-il suivi sans que j'aie pu le savoir ?

Il paraissait, jadis, voué à durer mille ans,
Invincible, capable de subir les vents
Et, sans jamais sombrer, de porter notre amour.

J'ai, depuis fort longtemps, quitté ce navire,
Et je ne connais, aujourd'hui, rien de pire
Que de réaliser que je t'aime toujours.


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106 - La masure


Comme une maison délabrée,
Mes sentiments sont fissurés.
Rien ne peut plus me rassurer,
Point n'est besoin de palabrer.

Les mots ne peuvent m'abriter,
Cette toiture est trop percée,
Il me faudrait la remplacer
Par une vraie sincérité.

Il me faudrait fermer les yeux,
Pour réchauffer mon cœur revêche
Et colmater toutes les brèches
D'une âme qui fait ses adieux

Je cherche encore à ménager
Ce qui reste de cette ruine,
Juste la chambre et la cuisine.
Il me faudrait déménager.


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107 - Le vieil homme et l'Afrique


Il y a très longtemps, lorsque j'étais enfant
Un vieil homme chenu vivait près de chez nous.
Après les cours, je le visitais un instant,
Le trouver assis, un livre sur les genoux,
A l'ombre de la véranda, face au jardin,
Me faisait oublier mes heures insipides
D'écolier cloué sur un banc dès le matin,
Voué à l'étude de choses stupides.
Je n'avais plus qu'un souhait, une seule envie :
Qu'il s'en aille chercher son coffre aux merveilles,
Et me fasse le récit de son autre vie ;
Qu'il me remontre encore, comme la veille,
Ses souvenirs sur papier aux couleurs sépia,
D'antiques images de la vieille Afrique,
Qui tiraient mes émotions à hue et à dia.
Il n'était point besoin de longues suppliques.
Il parlait d'un monde régi par d'autres lois
Issues du vieux temps d'avant que je sois né.
J'avais déjà suivi ces histoires cent fois,
Et autant regardé ces photos écornées,
Mais je gardais toujours une joie intacte
De m'embarquer chaque jour pour cette odyssée.
C'était, entre nous, une espèce de pacte :
Après lui, je serais le gardien du passé.
Il était alors d'un âge vénérable.
Il m'a laissé, depuis longtemps, découvrir seul,
Les pays de ce continent admirable,
Des forêts des pygmées aux terres des Peulhs.
Il n'est plus, mais je me souviens, ému et fier,
De celui à qui je dois, une vie sauvée
Et tous ces voyages, d'aujourd'hui et d'hier :
Un très vieil homme qui m'avait appris à rêver.


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108 - Les marathoniens


Croyez-vous qu'il songe au messager d'Athènes
Lorsqu'il court sans jamais ménager sa peine ?
L'un se dépêchait pour aller annoncer la victoire,
L'autre essaie d'aller décrocher sa gloire.

Du mont Agriliki aux routes bitumées,
Personne ne pourrait vraiment s'accoutumer
A faire souffrir son corps pour quelques lauriers,
Sans un idéal, plus haut, de noble guerrier.

Les deux marathoniens, le nouveau et l'antique,
Connaîtront la même renommée mythique,
Au terme d'une inhumaine cavalcade.

Mais Philippides fut, d'une armée, le héraut,
Or l'autre sait qu'il est son propre Miltiade,
Et que lui seul sera célébré en héros.


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109 - Casanova vieillit


Pendant des années, j'ai tout donné,
J'ai appris la vie qui ne m'a rien appris.
Qu'est-ce qui m'a pris de me damner?
Donne-moi ton avis sur cette pauvre vie.
Je désespère et je m'envoie en l'air!
Quelle misère, de quoi ai-je l'air?
Ma misérable existence
N'a vraiment plus aucun sens!
Je passe mon temps à faire passer le temps
Et je sens que je n'en ai plus pour longtemps.
Je déprime et mon étoile pâlit.
Casanova vieillit, ainsi va la vie…


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110 - Au cimetière de mon rêve


Je voudrais dédier ce poème
A celle, que depuis longtemps j'aime,
Et même si elle n'en a cure,
Lui parler, murmurer me rassure.
Elle a déposé des chrysanthèmes
Sur notre amour, comme seul emblème.
Je les arrose, d'un cœur lourd mais pur,
Mes souvenirs me servent d'armure
Contre les coups que me portent les jours
Passés loin de mon éternel amour.
Ma froide et belle pierre tombale
Voit tant de visites amicales,
Mais elle n'attend de fleurs que de celle
Qui, depuis le début, m'ensorcelle.
Tous les mots, les prières, les bouquets,
Comparés aux souvenirs évoqués,
Me paraissent bien tristes et fades,
Comme une courtoisie de façade.
Ma mort est plus heureuse que leurs vies,
Mes souvenirs plus beaux que leurs envies,
Une musique fleurie s'élève,
Dans le cimetière de mon rêve.


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111 - Les marées de l'amour


Dire
L'amour ne peut suffire
Mentir
Ne plus rien ressentir
Retenir
L'envie de se maudire
Sourire
Des vieux souvenirs
Prédire
Un autre avenir
Fuir
Un peu moins souffrir
Partir
Ne plus se détruire
Revenir
Et goûter encore l'élixir
Comme le flux des marées, l'amour est changeant,
Il se retire en laissant des plages nues
Sur lesquelles nul ne peut plus accoster,
Mais revient toujours recouvrir son domaine,
En vagues tranquilles ou pleines d'écume.
Ce sont parfois d'autres bateaux qui arrivent,
Pour jeter leur mouillage et s'abriter du vent.
Il faut souvent du temps à ces nouveaux navires,
Pour connaître tous les écueils et les hauts-fonds.
L'important est que la vie, comme la lune,
N'interrompent jamais le voyage des eaux,
Et que chacun suive les marées de l'amour.


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112 - Les menteurs


Par jeu, sollicitude, vice, intérêt,
Habitude, précaution, bêtise ou par peur,
Nous sommes tous, après l'enfance, des menteurs.
Nous fuyons loin de la vérité sans arrêt.

Mentir par plaisir, pour ne pas faire souffrir,
Pour torturer ou pour tricher, sans y penser,
Parce qu'on ne sait jamais, qu'on est insensé,
Parce que les lâches n'ont que ça à offrir.

Le mensonge est un art ; certains sont plus doués,
Mais, peu ou prou, nous sommes tous des artistes,
Virtuoses, médiocres, heureux, tristes.
Seulement, personne ne voudra l'avouer.


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113 - Clandestin


Passager clandestin du bateau de la vie
J'ai embarqué pour fuir le gris de mon ennui.
Découvert, je fus abandonné dans un port
Triste et sale, décor plus naturel à mon sort.
La croisière n'est pas réservée à ceux qui rêvent;
Ils regardent partir les navires et en crèvent.


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114 - Le rond-de-cuir


Veuillez m'excuser Monsieur le fonctionnaire
De vous importuner pendant votre labeur,
Dont vous vous acquittez d'un air débonnaire,
Mais je crois devoir vous réveiller, j'en ai peur.

J'aurais voulu quelques documents officiels.
C'est, je sais, une étrange idée que celle-ci,
Et je comprends que vous leviez les yeux au ciel,
Moins d'une heure avant la fin du service ici.

C'est à la demande d'un de vos semblables,
Que j'ai l'extrême honte de vous déranger,
Pour obtenir cette pièce indispensable
A la suite de mes démarches, sans danger.

Lorsque vous aurez eu pour moi cette bonté,
Je retournerai dans la file d'attente
Où j'ai déjà, pendant des heures, patienté,
Mon papier en main, on ne peut plus contente.


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115 - Terreur


Comédie inhumaine d'acteurs indigents
Accablant le public de leur jeu affligeant.
Réprouvés des Arts comme des Dieux, rejetés.
Néanmoins persistant à se croire inspirés,
Absolument convaincus d'être les élus.
Gardiens d'une Foi dévoyée, guerriers perdus.
Extrémistes, intégristes sûrs de leur Droit.

Exhibant leur démence au nom de leur Loi,
Tuant l'Humanité, la plongeant dans la peur.

Fabricants de malheur, assassins du bonheur,
Obsédés de vertu jusqu'au sacrifice.
Lâches autant que cruels vis-à-vis de leurs fils,
Indignes de leurs femmes, de tout avenir,
Etouffant la voix du Dieu qu'ils disent servir.


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116 - Lola


A mon réveil, un matin, elle n'était plus là.
Un profond désespoir occultait tous mes sens.
Hébété, je ne vivais que son absence,
Geignant, répétant son nom en pleurant : Lola !

Pendant presque toute une semaine,
J'ai perdu toute envie, le sommeil, l'appétit.
J'étais malade, laminé, anéanti,
Transpercé de crampes et frappé de migraines.

Et comme elle était partie, elle est revenue,
Le jour de mon anniversaire, comme un cadeau.
Repentante, soumise et courbant le dos,
Elle savait cependant être la bienvenue.

J'aurais voulu marquer ce jour en lettres d'or.
J'ai pardonné bien volontiers l'infidèle.
Notre amour était le plus beau des modèles.
Un enfant de dix ans et son chien labrador.

Il faudrait pouvoir garder
Ses sentiments d'enfance,
Faire face à la souffrance,
Etre trahi, pourtant pardonner,
Souffrir mais sans jamais haïr,
Pleurer, recommencer à sourire,
Il ne faudrait jamais grandir

J'ai vécu la même histoire, bien des années plus tard.
Elle ne s'appelait pas Lola et j'avais grandi ;
J'ai souffert encore plus quand elle est partie,
J'ai pleuré sur mon piano et sur ma guitare.

J'ai passé des nuits à regarder dehors,
Guettant son retour et maudissant les jours
Qu'elle passerait loin de moi pour toujours.
Un enfant de trente ans et son amour mort.

Entre l'amour et la haine, je n'ai pas choisi mon sort.
J'aurais pu tout donner, mais jamais pardonner,
La douleur du présent me ramène au passé,
Un enfant de trente ans et son amour mort.

Il faudrait pouvoir garder
Ses sentiments d'enfance,
Faire face à la souffrance,
Etre trahi, pourtant pardonner,
Souffrir mais sans jamais haïr,
Pleurer, recommencer à sourire,
Il ne faudrait jamais grandir


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117 - L'univers du Bleu


Le crabe-araignée dans sa forêt de coraux,
Discret, près des ondoyantes anémones,
Et rafraîchi par l'éventail des gorgones,
Suit impassible le ballet des méduses.

Ignorant de ce monde où derrière le récif,
Les dorades dansent au-dessous des frégates,
Et, alors que marsouins et dauphins s'ébattent,
Les exocets bondissants croisent les esquifs.

Là-bas, la mer immense a la force du vent,
Les grands espadons jouent des rayons du soleil,
Avant que l'horizon ne s'habille en vermeil,
Cédant la place à la nuit et à ses tourments.

Mais ici, même aux heures de l'obscurité,
Les soleils écarlates et les poissons lunes
Eclairent cet univers de sérénité,
Comme mille feux de bougies de fortune.

Dans la paix du lagon où domine le bleu,
Les envolées des papillons et perroquets,
Sont d'autres tons d'un paysage fabuleux.
Silence… Le crabe-araignée n'est pas inquiet.


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118 - Mon coming out


Mâle spécimen à l'allure distinguée,
Je revendique fièrement mon pedigree.
Je suis le fleuron de la race féline,
Les griffes acérées autant que les canines.
Un athlétique et majestueux chat persan,
Veillant sur son domaine d'un œil perçant.
J'ai reçu pour mission d'occire les rongeurs
Et, sur ces intrus, de faire régner la peur.
Mes braves maîtres, pleins de reconnaissance,
Me témoignent la plus douce bienveillance.
Je leur dois donc de faire, coûte que coûte,
Un indispensable et honnête coming out.
Mais j'appréhende que cela ne les choque
D'apprendre, stupéfaits, mes mœurs équivoques :
La nature, dans ses étranges facéties,
A fait de moi… un chat qui aime les souris !


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119 - Automne capillaire


Chaque matin, me regardant dans un miroir,
Comme les feuilles d'un érable en automne,
Je vois mes cheveux tomber, sans aucun espoir.
Et dans la peau du chauve, je me cantonne,
En cherchant une solution à ce tourment.
Un chapeau? Un béret ? Un postiche? Assez !
Une perruque ne fera pas le printemps…
Jamais, hélas, je ne les verrai repousser !


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120 - Nuit de Noël


La caravane harassée de ces pèlerins
Met pied à terre et charrie de lourdes malles
Jusqu'à la porte d'une humble maison.
Un homme aux yeux bouffis, ahuri, débraillé,
Vient ouvrir à l'étrange équipage qui dit :
"Nous avons voyagé si longtemps tous les trois
Pour venir jusqu'ici saluer l'Enfant Roi" !
Le villageois tiré du sommeil le prend mal
Et ivre de rage et de fureur les agresse :
"Ici, voyez-vous âne ou bœuf ou autre animal" ?
Et leur claquant la porte au nez, il ajoute :
"Joseph et Marie, c'est l'étable d'en face" !
Si louables et sincères étaient leurs intentions,
Ils auraient pu prendre soin, tout de même,
De se munir d'un plan de Bethleem !


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121 - La vie n'est pas un conte de fées !


Sous prétexte de protéger plus longtemps l'enfance
Et de préserver à tout prix son innocence,
On nous veut nous farcir le crâne, dès le berceau,
De fadaises, que ne croiraient pas les plus sots.

Pourtant, déjà lâches avant l'âge adulte,
Nous nous laissons abrutir d'histoires cultes
Répétées sans cesse depuis la nuit des temps.
Est-ce que cela va durer encore longtemps ?

Il suffit ! Que diable, un peu de sincérité !
Je m'en vais, moi, vous révéler la vérité !
Il faut regarder la réalité en face !
Je vais vous parler des princesses, ces bécasses !

L'histoire de Blanche-Neige soi-disant féerique ?
Une sordide aventure et sept nains lubriques !
Celle de la Belle-au-bois-dormant ? Pire encore !
Le coma d'une camée ! Et qui dure encore !

Quant à Cendrillon ? Rien qu'une dévergondée
Qui invente, par peur de se faire gronder,
De sombres inepties de citrouille trop mûre,
Pour faire oublier qu'elle a juste fait le mur.

Tenez! Un autre scandale vite étouffé :
On ne dit pas que mowgli fut bouffé
Par sa grande amie la panthère Bagherra !
Là-dessus, jamais un mot on ne soufflera !

Et que penser du petit poucet, cet escroc,
Qui pour garder tout l'héritage et le magot
Alla perdre tous frères dans la forêt ?
A ce jour, ils ne sont toujours pas retrouvés !

Et le petit chaperon rouge et le grand loup ?
Mais grands naïfs, il n'y a jamais eu de loup !
Juste une fable inventée par cette peste,
Cette furie, mythomane manifeste !

Alors ? Etes-vous toujours autant décidés ?
Est-ce que vos enfants se verront débiter
Les mêmes âneries qui vous ont tous nourris?
Oui ? Alors c'est que ce monde est vraiment pourri !

La vie n'est pas un conte de fées !


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122 - Le vrai-faux paradis


J'ai vu le paradis dans d'étranges couleurs,
Et puis du noir et des nuances de gris,
Une beauté inquiétante qui m'a fait peur,
Jusqu'au moment où un bel ange m'a souri;

Sans parler, dans un halo sombre et lumineux,
Il m'a tendu et donné du bonheur,
M'a fait découvrir un paysage harmonieux
Comme en négatif d'une photo en couleurs;

Il semblait si heureux que je revienne à lui,
Dans la maison de la plénitude éternelle;
Je viendrai chercher une dose cette nuit
Et une seringue qu'il couve sous son aile.


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123 - Mon étoile


Je lève les yeux vers elle
Une Jolie tourterelle
Qui dans un bruissement d'ailes
Me revient et m'ensorcelle

C'est un beau rêve qui plane
Aussi souple qu'une liane
Une fleur qui ne se fane
Que pour un regard profane

Elle est l'histoire de ma vie
La flamme qui m'a tant servi
Le but de toutes mes envies
Je reste chaque fois ravi

Tant d'années de vie commune
De si diverses fortunes
Mais sans jamais de rancune
Mon étoile sous la lune


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124 - Un peu d'air


C'est facile de vivre,
Il suffit de respirer,
Pas besoin d'être inspiré,
De parler comme un livre.

C'est facile de mourir,
Il suffit d'arrêter.
C'est la pure vérité,
Pas la peine de sourire.

A force de m'étouffer,
De me marcher sur les pieds,
Je ne sais plus comment faire.

Je ne veux plus partager
Avec vous tous le même air;
Je vous le laisse volontiers.


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125 - Rejoins-moi


Rejoins-moi Ne me vois-tu pas qui marche à côté de toi ?
Pense à moi, je suis la mort qui t'accompagne.
C'est moi qui suis ta plus fidèle compagne.
Parmi tous les vivants, moi je n'aime que toi.
Rejoins-moi,
Je n'attends plus que toi,
rejoins-moi,
Où tu veux, quand tu veux,
rejoins-moi,
Je le veux, c'est ton vœu,
rejoins-moi,
Je serai toujours là.
Avec moi, chaque jour, tu n'auras plus d'ennui.
Je te promets les étoiles les plus belles,
Qui écriront, chaque nuit, ton nom dans le ciel.
Je n'aurai d'autre but que servir tes envies.
Rejoins-moi,
Renonce à cette vie,
rejoins-moi,
Ici, il n'y a rien,
rejoins-moi,
Chez moi, ce sera bien,
rejoins-moi,
Moi, je suis ton amie.
Pourquoi attends-tu? Tu ne dois plus hésiter.
Ni larmes, ni drames, tu seras comme un dieu.
Crois-moi, je te jure, ce sera beaucoup mieux.
Tu sais bien que tu n'as rien à regretter.
Rejoins-moi,
Ferme juste les yeux,
rejoins-moi,
Et écoute ma voix,
rejoins-moi,
Moi, je chante pour toi,
rejoins-moi,
Vas-y, fais tes adieux.


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126 - Le rêve d'une étoile


Longtemps après qu'elles aient cessé d'exister,
Les belles étoiles continuent à briller.
Est-ce la preuve que le beau n'existe pas ?
Après que notre amour ait cessé d'exister,
Chaque seconde, je continue à t'aimer.
Est-ce la preuve que l'amour n'existe pas ?

Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.
Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.

Ce soir, je lèverai les yeux vers le ciel ;
Je ne verrai qu'une étoile, la plus belle,
C'est la seule qui ne veut plus briller pour moi.
Des millions de papillons dans la lumière
Viennent me piquer les yeux et les paupières
A chacune de ces nuits où je pense à toi.

Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.
Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.

Peut-être, pour un peu moins ou pour mieux souffrir,
Je n'ai gardé que le meilleur de ton souvenir,
Comme le refrain d'une très vieille chanson
Dont j'ai oublié depuis longtemps les couplets.
Je sais que tu peux bien faire tout ce qui te plaît,
Mais je t'aime, en dépit de toute raison.

Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.
Réalité, rêve ? Rêve, Réalité ?
Où est la vérité ? Je préfère rêver.
J'ai enfin trouvé la réponse à ma question :
Je t'aime encore, je préfère rêver.


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127 - L'amitié


L'amitié, ce n'est pas un grand éclat de rire;
C'est au-delà, même dans les moments tristes,
Ce qui sait, sans dévier, suivre la même piste.
C'est un message reçu sans même le lire.

L'amitié, ce n'est pas un discours inutile;
C'est se taire quand tous les autres bavardent;
C'est juste sa présence, quand il me tarde
Que tout le reste parte tant il est futile.

L'amitié, ce n'est jamais un mot qu'on prononce;
Aucune parole ne pourrait la décrire
Et que de banalités on pourrait écrire;
C'est une chose si sacrée que j'y renonce.

L'amitié, c'est le bonheur quand l'autre est heureux
Et c'est souffrir quand l'autre connaît la tristesse;
L'amitié, c'est surtout la plus grande richesse
Qui fait d'un homme simple, le plus valeureux.


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128 - Le rêve sans fin


Chaque nuit, toujours, le même rêve revient,
Obsédant, me rendant au réveil, nauséeux,
Déprimé de ces choses dont je me souviens,
Et je demeure, pour la journée, cafardeux.

Je rêve que:

Je suis dans une grande bâtisse inconnue.
C'est le silence. Personne ne m'accueille.
Je traverse des couloirs et des pièces nues,
Vers une porte au fond et m'arrête à son seuil.

Après un court instant d'hésitation, j'entre
Et aperçois un grand lit aux draps tissés d'or
Occupant presque toute la chambre au centre.
Je m'y allonge et rêve dès que je m'endors.

Je rêve que:
Je suis dans une grande bâtisse inconnue.
C'est le silence. Personne ne m'accueille.
Je traverse des couloirs et …


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129 - La rupture


Deux voleurs se disputant le butin.
Ces années, ces souvenirs en commun,
Ne sont plus que prétextes à se haïr,
Encore un peu plus, avant de partir.

Tant de violence, avant de se quitter,
Doit-elle être un signe à interpréter?
Le vide immense de l'amour enfui
Fait de la place pour la haine qui suit.

Est-il une raisonnable rupture,
Dans l'amitié, le respect, sans blessure ?
Il ne peut y avoir qu'indifférence
Pour ceux qui se séparent sans souffrance.

Nous voir ainsi, tous deux, nous déchirer
Devrait, au moins, pouvoir nous rassurer:
Non, aucun doute ne peut subsister,
Notre amour a bel et bien existé.


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130 - Marche au pas !


Petit, va jouer dans la cour !
Tu ne connais rien de l'amour,
Ce n'est pas comme sur l'écran.
Tais-toi ! Laisse parler les grands !

Je sais ce qu'il te faut, garçon !
Tu dois apprendre tes leçons,
Faire ce qu'on te dit de faire !
Une discipline de fer !

Marche au pas, salue ton sergent,
Répond poliment à l'agent,
Obéis toujours au patron
Et prie pour demander pardon !

Pourquoi voudrais-tu la parole ?
Te prendrais-tu pour un symbole ?
Penser et agir par toi-même ?
Quelle prétention, tout de même !


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131 - Serial Killer


Tous les limiers du monde sont sur sa trace.
Il continue de sévir, ce serial killer.
Et son seul nom suffit à répandre la peur.
Qui pourra mettre fin à cette menace ?

Sa sinistre route est jonchée de victimes.
Il nous a tous changés, même les plus audacieux,
Nous rendant frileux, craintifs et presque peureux,
Sûrs que notre vie ne vaut plus un centime.

Nul n'échappe à sa folie meurtrière.
Rien ne l'arrête, ni âge, ni frontière.
Il n'épargne ni les faibles ni les puissants.

Certains considèrent cette calamité,
L'exécution d'une punition méritée.
C'est un ennemi à abattre : le SIDA.


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132 - Si…


Si davantage de gens prenaient conscience,
Si d'abord, on s'occupait un peu des autres,
Si d'accord parties, on faisait vraiment la paix,
Si d'après la couleur, on cessait de juger,
Si d'aventure, le monde avait un peu de cœur,
SIDA, nous pourrions peut-être enfin te vaincre.


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133 - Sans domicile


Sur les bancs publics, les quais de gares,
Il vit, sans marquer le paysage,
Ni tous ceux qui le toisent sans égards,
Ce vieillard au-delà de tout âge.

Le long du fleuve et sur les ponts,
Des amoureux s'interpellent.
Mais lui, des murs et un toit de cartons
L'empêchent de trouver la nuit belle. Il n'a pas de porte à laisser ouverte,
C'est pourquoi personne n'entre jamais.
Pas même une main ne s'est offerte,
Alors, il attend sans rien réclamer.

D'ailleurs, que pourrait-il bien exiger
De la foule des gens respectables
Tous assis sur l'édifice érigé
Avec soin de leur labeur admirable ?

Il n'a vraiment pas besoin de notre pitié,
Mais si nous sommes un peu capables d'amitié,
Rien qu'une main sur l'épaule, un sourire,
Et quelque chose de banal à lui dire,
Juste un peu de chaleur, de solidarité,
Pour qu'il se rappelle qu'il a le droit d'exister.
C'est à chacun selon ses mérites,
Qui sait, c'est peut-être aussi son credo ?
Son regard est des plus explicites :
Il sait bien que la vie n'est pas cadeau.

Il survit chaque jour sans faire exprès,
Nous devrions le voir d'un peu plus près,
Tenter de cacher sa solitude
Sous le rituel des habitudes.

Ce qui, pour un autre, est insouciance
N'est que la suite de son errance,
Qui se poursuit toujours à son réveil,
Et même dans ses rêves sans soleil.

Est-ce qu'il a un jour lui-même choisi
De n'être rien, qu'un sans domicile ?
Est-ce le destin et ses facéties ?
Ou un bel égoïsme imbécile ?

Il n'a vraiment pas besoin de notre pitié,
Mais si nous sommes un peu capables d'amitié,
Rien qu'une main sur l'épaule, un sourire,
Et quelque chose de banal à lui dire,
Juste un peu de chaleur, de solidarité,
Pour qu'il se rappelle qu'il a le droit d'exister.


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134 - Sans lui


Est-ce que ses nuits sont calmes ?
A-t-il oublié tous leurs drames ?
Elle, les rêve chaque nuit,
Seule, désormais sans lui.

Elle en revit tous les instants,
Les événements importants
Comme les plus dérisoires,
Le moindre de leurs déboires.

Elle revoit leur vie en boucle :
Juste l'histoire d'un couple
Qui ne supporte plus les coups
Et sombre, comme beaucoup.
Elle réécrit leur histoire,
Sans vraiment trop y croire ;
Il n'y avait pas d'autre fin
Voulu par ce maudit destin.
Elle a appris les mots menteurs
Et ne peut plus croire au bonheur.

Elle voudrait hurler sa haine,
En traînant les lourdes chaînes
De sa pénible liberté
Qu'elle n'a jamais souhaitée.

Lui, elle a désiré sa mort,
Puis pleuré sur son propre sort,
Et prié pour qu'il comprenne
Qu'il l'aime et qu'il revienne.

Elle revoit leur vie en boucle :
Juste l'histoire d'un couple
Qui ne supporte plus les coups
Et sombre, comme beaucoup.
Elle réécrit leur histoire,
Sans vraiment trop y croire ;
Il n'y avait pas d'autre fin
Voulu par ce maudit destin.
Elle a appris les mots menteurs
Et ne peut plus croire au bonheur.


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135 - Le besoin et l'envie


Ai-je besoin de sa présence à mes côtés
Ou n'ai-je seulement l'envie de ses bontés,
Qu'elle m'accordera chaque nuit pour mon plaisir?
Je ne sais pas distinguer l'amour du désir.

Je ne crois pas être si différent de vous;
J'ai les mêmes défauts, seulement je l'avoue.
Mais peut-être que je m'invente des problèmes
Que d'autres résolvent, juste en disant je t'aime.


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136 - Sauver le monde


Puisqu'ils semblent se satisfaire de leur sort,
Et, dociles, toujours suivre la ligne,
Faut-il plaindre ou blâmer ces esclave indignes,
Dévoués à leurs maîtres jusque dans la mort ?

A-t-on le droit de sauver les gens malgré eux ?
De voir ainsi repoussée une main tendue,
Fait douter de pouvoir, un jour être entendus
Et de les rendre libres et tellement heureux.

Nous sommes sûrs de détenir la vérité,
Et pourtant, ils ne veulent pas nous écouter.
Il n'y a plus de Spartacus ou de messie.

Nous devons revenir à plus d'humilité
Et accepter que le monde et la vie aillent ainsi,
Pour ne sauver qu'un petit bout d'humanité.


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137 - Shéhérazade


Lassé des voiles vaporeux
Des hétaïres du harem,
Sultan blasé et malheureux,
La tête nue, sans diadème,
Il se découvre chaque jour
Sinistre apostat de l'amour.

Mille et une nuits de soupirs,
L'ont conduit au bout de l'ennui.
Les simulacres du plaisir
Lui donnent un grand dégoût de lui,
Et il renonce, malade,
A chercher Shéhérazade.

Seul le destin, choix de Dieu,
Pourra mettre sur sa route
Ce qu'il avait rêvé de mieux,
Celle qui, sans qu'il s'en doute,
Le guérira du désespoir,
Et écrira son histoire.


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138 - Si j'étais un fleuve


J'accepte de croire à la réincarnation,
Mais j'aurais tout de même quelques prétentions.
Pour me convenir, cette vie remise à neuve
Changerait de lit, du ruisseau au grand fleuve.

Non pas de ces eaux canalisées, maîtrisées,
Bien tracées dans des paysages aseptisés,
Mais de celles qui coulent au rythme des saisons,
Sans jamais connaître d'écluses pour prisons.

De la montagne ne pouvant me retenir
A la mer impatiente voulant m'accueillir,
Dans la glace, sous les vents, le feu du soleil,
Je resterais d'une majesté sans pareil.

Dans cette nouvelle vie, je serais la vie.
Rien ne viendrait contrarier toutes mes envies.
Je voudrais bien renaître pour, en vérité,
Enfin comprendre le sens du mot "liberté".


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139 - Tout le monde a besoin d'amour


Tu dis que tu n'as pas besoin d'amour,
Que la seule chose qui t'importe,
C'est de garder ta liberté toujours,
Sans serrure qui ferme ta porte.

Tu dis que ta solitude est un choix
Et tu la revendiques fièrement.
Es-tu sûr que ce n'est pas une croix,
Lourde et qui te pèse cruellement ?

Nulle ne pourra forcer ton barrage,
Mais je crois que tu as besoin d'amour.
Il te faut juste un peu de courage
Pour l'admettre et le rencontrer un jour.


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140 - Transit


Souvent, le hasard fiance
Ceux qui, sincères et sans méfiance,
Nourrissent d'un même espoir
L'éternité d'une brève histoire

Amitiés vraies ou grands amours,
Des rencontres au fil des jours,
Quelques erreurs, une errance,
Et parfois, un peu de souffrance.

Amis, amants pour un instant,
Une heure, une nuit ou plus longtemps.
Y croire par habitude,
Pour repousser la solitude.

J'ai voyagé sur l'amour ;
J'ai fait le tour de l'amour ;
Voyageur en transit,
Pour une courte visite
Juste le temps d'une escale,
Sans emmener de malles.
Mais au bout de cette route,
De mes échecs et de mes doutes,
S'impose une seule loi :
J'étais en attente de toi.

Qui connaît le but du voyage,
L'heure d'arrivée et à quel âge ?
Si l'aventure nous est permise,
Ce sera toujours une surprise.

On ne sait pas le paysage,
Où on reconnaîtra ce visage,
Sans pourtant l'avoir déjà vu,
Qui nous sourit, le jour venu.

Et même les plus immobiles
Qui refusent de s'embarquer
Pourront, sans le remarquer,
Suivre l'amour d'un pas docile.

J'ai voyagé sur l'amour ;
J'ai fait le tour de l'amour ;
Voyageur en transit,
Pour une courte visite
Juste le temps d'une escale,
Sans emmener de malles.
Mais au bout de cette route,
De mes échecs et de mes doutes,
S'impose une seule loi :
J'étais en attente de toi.


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141 - Une poussière d'étoile


C'était sans doute un phénomène naturel
Qui s'était produit cette nuit-là dans le ciel ;
Des milliards de lampes brillaient sans aucun voile,
Comme une féerique poussière d'étoiles.

Ensemble, nous y avons vu un présage,
Je ne sais si c'était sérieux et très sage.
Nous avons échangé notre premier baiser,
Découvrant nos cœurs depuis longtemps embrasés.

Je n'ai jamais revu la poudre céleste,
Sauf dans tes yeux et dans chacun de tes gestes.
J'espère que d'autres pourront aussi la voir
Et qu'ils auront, comme nous, la chance d'y croire.


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142 - Une vie de rêve


Il vit aux Philippines ou au Pakistan,
Ou bien ailleurs, dans un pays d'un autre temps.
Au réveil, un thé ou encore un bouillon clair
Et il se précipite dehors en plein air.

Le soleil n'est pas levé lorsqu'il commence
Sa journée de labeur qui passe en silence.
Et le soir venu, il s'en retourne, fourbu,
S'écrouler sur sa paillasse, sa soupe bue.

C'est toujours une extraordinaire chance
S'il parvient, quelquefois, à vivre un dimanche.
Mais ce n'est pas toujours pour autant du repos ;
Souvent, il va travailler dans les entrepôts.

Toutes les occasions sont bonnes pour gagner
Un peu plus, pour un peu mieux vivre et épargner
A sa famille, d'être encore plus miséreux
Que la veille et que tous ceux qu'il voit autour d'eux.

Je ne sais pas s'il a déjà rêvé la nuit,
Puisque tous les gens qu'il connaît sont comme lui,
Il n'a pour seul modèle que la souffrance.
Il n'a que sept ans, mais très loin de l'enfance.


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143 - Tais-toi


Tu veux qu'elle sache, tu veux tout lui avouer.
Par respect pour elle ? Ou pour te soulager ?
Tu penses ainsi parvenir à plus te plaire ?
Le vrai courage n'est-il pas de te taire ?

Non, ce n'est pas une affaire de conscience.
Juste, au mieux, une médiocre tentative
De camoufler ta lâcheté maladive.
Garde-toi, cette fois, de toute indécence.

Fais donc silence ; Ne la trahis pas deux fois.
Laisse-la encore croire à ses illusions.
Enfouis ton secret ; N'y fais jamais allusion.

Tu dois la protéger ; Surtout ne l'oublie pas.
Et si tu lui veux vraiment du bien : quitte-la.
Elle n'a pas mérité de souffrir pour toi.


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144 - Tant qu'il y aura des murs


Quand l'infâme mur est tombé,
La foule en liesse a exulté.
Allégresse légitime
Même dans les salons lointains.

Ailleurs, un tyran s'est enfui.
Le vacarme de la fête,
Remplaçant le bruit des bottes,
Ouvrait des lendemains radieux.

Partout, la moindre victoire
Sur l'arbitraire et l'oppression,
Est acclamée et célébrée,
Même par les moins concernés.

Excepté, bien sûr en des lieux
Où nul n'a jamais entendu
Les mots liberté, dignité,
Même évoqués, même rêvés.

Encore tellement de murs !
Et combien d'autres gardiens !
On devrait peut-être attendre
Pour faire semblant d'être heureux…


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145 - Nous resterons des amis


Nous resterons des amis…
C'est quand l'amour est parti
Que ces mots vides de sens
Sont dits, en toute indécence.
C'est la pire lâcheté,
Une contrevérité,
C'est insulter le passé,
Nier que l'on s'est aimés.
C'est mentir sur l'avenir,
Se faire un peu plus souffrir,
Comment être des amis,
Lorsque l'amour est parti ?


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146 - Vengeance


J'ai cru être foudroyé lorsque j'ai appris,
Tes profanations répétées de cet amour,
Sincère pour moi seul, mais que tu avais pris
En jurant le ciel que ce serait pour toujours.

Moi, idiot, je ne te savais pas menteuse,
Tricheuse, manipulatrice et perverse.
Je pensais te rendre tout à fait heureuse
Et ce fut un déluge plus qu'une averse.

J'ai compris, un peu tard, qu'il ne s'agissait pas
De rechercher le bonheur dans les bras d'un autre.
Ce n'était qu'un, jeu auquel je ne jouais pas
Et je n'aurais pas aimé être des vôtres.

Mais toi, tu étais sans conteste une experte.
Et tu le demeureras, j'en suis convaincu.
Songe quand même à compter tes gains et pertes ;
Il se peut que je ne sois pas toujours vaincu.

J'ai décidé de jouer à mon propre jeu,
D'en inventer à mon gré toutes les règles
Et de te mener jusqu'à la peur, peu à peu.
Je saurai, aussi, me montrer espiègle.

Il y a, en moi, quelque chose pour toujours,
Plus grand, plus fort, plus intense que ma peine :
Je me rappelle que je te faisais l'amour
Et je te promets de te faire la haine.


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147 - Une ville, une nuit


Une ville, une nuit,
Peu importe le lieu,
Peu importe le temps,
C'est le même tempo
Pour des millions de gens.
Une histoire sans histoires
D'une vie sans envies.
Un sommeil sans rêves,
Un réveil dans le gris.
Un voyage immobile
Dans une vie sans mobile.
Une horde au repos
De guerriers résignés
Et d'esclaves rebelles.
Tout à l'heure, un nouveau jour,
La cavalcade et la fureur,
Le tumulte d'un torrent inhumain.
Mais pour l'instant, un sursis, une trêve.
Un passé oublié, un futur interdit.
Ne reste que ce moment incertain.
Dormir sans rêver,
Suivre le chemin, toujours identique,
Avant le matin laborieux, pathétique.
Et puis, dans quelques heures,
Robinsons dans la ville,
Seuls dans ces rues populeuses.
Avancer pour ne pas tomber,
S'accrocher à cette vie,
Ne pas perdre son âme.
Hier, c'est si loin!
Trop longtemps pour faire des regrets
Ou même juste une histoire.
Ni peur, ni espoir, Ce serait encore trop !
Ce serait croire en demain.
Une ville, une nuit,
Peu importe le lieu,
Peu importe le temps,
C'est le même tempo
Pour des millions de gens.
Une histoire sans histoires
D'une vie sans envies.
Un sommeil sans rêves,
Un réveil dans le gris.
Un voyage immobile
Dans une vie sans mobile.


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148 - La société commerciale


Je ne comprend pas leur langage,
Ils parlent comme au moyen âge
Et le journal que j'ai en mains
Est tout comme un vieux parchemin.

Mais qu'est-ce que je fais dans ce monde ?
Je ne veux plus que l'on me sonde,
Je n'ai pas d'opinion, d'idée,
Va-t-on pour ça me lapider ?

Ils me conseillent d'acheter,
Moi j'ai envie de tout jeter.
Dans la société commerciale,
Règne une atmosphère glaciale.

Je suis allé me réchauffer
Au comptoir d'un petit café,
Entendre les gens commenter
La toute dernière publicité.

Aucun moyen d'y échapper,
Je crois que c'est vraiment râpé.
Il me faut rentrer dans le rang,
Me laisser pousser par le vent.

Plus question de tout foutre en l'air.
Je prendrai ma carte bancaire,
Me rendrai au supermarché,
C'est comme ça que ça doit marcher.

Chacun doit rouler sur les rails,
Garder le cap, vaille que vaille,
Car la société commerciale,
C'est la société idéale.


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149 - Grain de sable


Il faut des siècles ou alors un accident
Pour faire changer le cours d'une rivière,
Mais il ne faut qu'un tout petit grain de sable
Pour faire basculer le destin d'un homme.
C'est pourquoi, la richesse, la force et la gloire
Sont des avantages dont il faut profiter,
En craignant qu'une quelconque péripétie
Souligne de toute chose le dérisoire.


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150 - Voyages


De Huahiné à Moorea
Je voulais tant la repérer
De Kinshasa à Kampala
Je la suivais sans m'arrêter
De Caracas à Santiago
Je ne savais où la chercher
De Varsovie à Monaco
Je n'ai jamais pu la trouver
De Bornéo à Calcutta
Et j'ai cessé de l'espérer
De Macao à Osaka
Quand j'ai soudain réalisé
Il suffisait d'ouvrir les yeux
Pour me sentir vraiment heureux
C'est tout près au coin de ma rue
Que je l'ai enfin aperçue


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151 - La Dame du Lac


Je l'ai revue cette nuit la Dame du Lac.
Qui m'a demandé si j'avais vu Lancelot.
Je n'ai pu lui répondre, transi par le trac.
Triste, elle s'en est retournée veiller dans ses eaux.

A chaque fois, je cherche en vain le courage
De la supplier qu'elle oublie ce bellâtre,
Et je dois la quitter le cœur plein de rage,
Car, lui, peut se passer d'elle pour combattre.

Toutes mes nuits sont comme les bords d'un lac
Et dans mes rêves, je retrouve ma Dame
Qui garde Excalibur protégée dans un sac.
Je ne suis pas chevalier, c'est là mon drame ;
Dans mes yeux, il n'y a que de l'eau, l'eau d'un lac
Qui noie mon cœur qui attend la Dame du Lac.

Mais je dirai, à une prochaine occasion,
Qu'il n'y a pas besoin pour sauver le monde
Du manque d'amour, des savantes décisions
De prétentieux autour d'une table ronde.

Parfois, on a besoin de temps pour comprendre
L'ennui de livrer d'inutiles batailles ;
Seule la conquête d'un cœur peut nous surprendre
Et vaut davantage que toutes les médailles.

Toutes mes nuits sont comme les bords d'un lac
Et dans mes rêves, je retrouve ma Dame
Qui garde Excalibur protégée dans un sac.
Je ne suis pas chevalier, c'est là mon drame ;
Dans mes yeux, il n'y a que de l'eau, l'eau d'un lac
Qui noie mon cœur qui attend la Dame du Lac.


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152 - Près de moi


Je la sens dans mes fibres
Et dans l'air qui vibre ;
Je perçois ses mouvements
Aussi légers que le vent
Et je reçois sa chaleur
Au plus profond de mon cœur ;
Elle vient me prendre la main
Pour me monter le chemin ;
Elle vient me dire qu'ailleurs,
Je n'aurai plus de frayeur,
Que là-bas tout est plus beau ;
Qu'il n'existe pas de mots
Pour expliquer le bonheur
Loin de ce lieu de malheur.
Je contemple son sourire,
Je n'ai plus peur de mourir.


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153 - Les vieux amants


Il y a longtemps de notre romance.
Les oiseaux sont partis et revenus,
Et vois ce que nous sommes devenus,
Sans y prendre garde, par inadvertance.

C'est vrai, je l'avoue, j'ai rêvé souvent,
Les jours maussades et les soirs de tempête ;
J'ai vécu bien loin de toi, dans ma tête,
D'autres aventures sous d'autres vents.

Mais aujourd'hui, jusqu'à ce que l'heure sonne,
Sans davantage déranger personne,
C'est ensemble qu'il nous faut poursuivre.

Le but du voyage n'est plus si loin,
Il y a plus derrière qu'à suivre.
Je suis surpris de ne pas t'aimer moins.


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154 - Paris-Québec


Des quais de la Seine aux rives du Saint-Laurent,
Les mêmes eaux semblent charrier mon histoire.
Ni le vieux monde, ni le nouveau continent
N'ont jamais cessé de graver ma mémoire.

La butte Montmartre et le Rocher Cap Diamant
Dominant les villes de Paris et Québec
M'auront vu, tour à tour, être ami ou amant,
Chaleureux, débordant d'amour ou le cœur sec.

Je voyage, comme on traverse une place,
Entre ces deux lieux, tel un sans domicile.
Des fontaines en été aux décors de glace,
Je suis sur ma route mon rêve gracile.

Je ne crois pas un jour arriver à choisir.
Mais je serais bien le dernier à me plaindre
De ce dilemme qui, pour mon plus grand plaisir,
Est un feu sacré qui ne veut pas s'éteindre.


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155 - Le mot manquant


C'est juste à la page arrachée de mon dico,
Que j'aurais pu comprendre le sens de ce mot.
Alors, j'ai cherché par l'exemple de la vie,
Sans jamais trouver rien d'autre que des ennuis.
J'ai donc décidé de compter sur le hasard
Qui finirait bien par m'enseigner, tôt ou tard.
En attendant, je patiente et compte les jours.
Je ne sais toujours pas ce que c'est que l'amour.


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156 - Un autre monde


Nul rire d'enfant, que des portes qui claquent.
Fini le chant des oiseaux, juste un bruit de clés.
La musique du pas lourd et lent des gardiens.
Jour après jour, sans fin, tous ces jours ne font qu'un.
Chacune des nuits sans sommeil me rappelle
Que la trêve d'un rêve n'est plus de mise.
Les murs de ma prison sont le seul horizon.

Partir, ne jamais revenir.
Ne plus me souvenir et m'enfuir
Vers un autre monde,
Sans grilles ni barreaux
Sans juges ni bourreaux.

Au nom d'un dieu, de la liberté ou par jeu,
Goûter aux délices d'une belle guerre
Est la plus glorieuse de nos traditions.
Les fils sont partis, l'honneur en bandoulière,
Porter les couleurs de la famille ou du clan.
Moi, je n'ai pas su ou voulu mourir comme eux.

Partir, ne jamais revenir.
Ne plus me souvenir et m'enfuir
Vers un autre monde,
Sans fosses ni tombes,
Sans armes ni bombes.

A quoi ça sert d'aller dans des écoles,
Si même sur les bancs, on n'est plus des enfants,
Qu'on n'y apprend pas à être solidaires ?
A quoi ça sert d'aller si loin dans l'espace,
Si, même d'en haut, on ne voit pas la misère
De ce monde qui me désespère ?

Partir, ne jamais revenir.
Ne plus me souvenir et m'enfuir
Vers un autre monde,
Sans drames ni misère,
Sans haine et sans colère.


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157 - La rumeur


Elle déboule dans les quartiers,
Les villes, les villages,
Les plus petits hameaux,
Jusque dans les rases campagnes.
Elle traverse les rues,
Les places et les prés,
Force les portes des logis,
S'invite chez les insolents
Et bouscule les indolents ;
Elle laisse souvent derrière elle
Un ou deux gisants,
Tombés au champ de déshonneur,
Fauchés par les mots qui tuent ;
Rien ni personne
N'arrête la rumeur.


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158 - L'amour est une prison


Comme j'ai besoin de respirer,
J'ai aussi besoin de t'aimer.
Si tu décides de partir,
C'est mon âme qui va mourir.

Ma vie n'est que du temps qui passe,
Inutile, dont je me lasse
Quand tu n'es pas à mes côtés
Pour m'en révéler la beauté.

Je ne suis qu'un geôlier captif
D'un amour rebelle et rétif,
Et l'échafaud n'est que pour moi.

Je refuse ma liberté
Je ne veux que suivre ta loi
Et t'aimer pour l'éternité.


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159 - Le désamour


Les mots ont-ils encore un sens ?
N'y a-t-il pas quelque indécence
A vouloir se croire fidèles
A nos vieux serments éternels ?

Nous ne pouvons pas comprendre
Ce qui a bien pu nous prendre
Pour, à ce point, nous éloigner
Et, à la fin, nous ignorer.

Le désamour est bien triste,
C'est un sentiment égoïste,
Car on ne pleure que sur soi,
Incapable d'un autre émoi.


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160 - Ce n'est pas grand-chose


Ça n'a pas grande importance,
C'est juste un cœur en errance.
Ce n'est qu'une ritournelle,
La lueur d'une chandelle.

L'amour qui perd son chemin,
Puis une voix qui s'éteint
Quand l'obscurité survient,
Et il ne reste plus rien.

Une histoire de tous les jours,
Qui se répète toujours,
Sauf, peut-être, pour certains
En de meilleurs lendemains.


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161 - In extremis


Tout droit sortis du Moyen-Age, ils sont venus
Répandre le sang et la terreur sur nos villes,
Balayant nos pauvres défenses inutiles;
Face à leur armement, nous nous sentions tous nus.

Ils sont remontés vers le nord, pillant, brûlant,
N'épargnant rien ni personne sur leur passage.
Emportés par le tourbillon de leur carnage,
Les nôtres ont sombré, certains en combattant.

Mais, face à ce raz-de-marée invincible,
Nous avons dû nous résoudre à prendre la fuite,
Ces fous barbares lancés à notre poursuite,
Leurs arcs fébriles de nous prendre pour cible.

Impatients que la dernière tuerie s'engage,
Leurs cavaliers se sont lancés en avant toute,
Sur les traces de nos fuyards sur l'autoroute
Et furent stoppés juste au niveau du péage.

Il n'est point suffisant d'être un tueur à gages,
Le plus courageux, le plus impitoyable
Des guerriers si l'on est pas au moins capable
De prévoir la monnaie pour payer le péage !


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162 - Dracula


Enfin débarrassé de tous ses artifices,
Après le pesant rituel du sacrifice,
Le comte Dracula peut trouver le repos,
Laissant au vestiaire ses sombres oripeaux.

Son râtelier remisé dans un verre à dents,
Soigneusement démaquillé, nu comme Adam,
Il se met au lit, sous ses beaux draps de satin,
Et songe en riant à son cercueil en sapin.

Son labeur est ardu et ses nuits difficiles,
Son travail n'est jamais fini et le temps file
A la cadence voulue par sa clientèle.
Ces satanés vivants sont d'un ennui mortel !

Mais il suffit de penser encore au travail !
Car il faudra bien, demain soir, vaille que vaille,
Reprendre l'ouvrage, en attendant les vacances,
Loin des Carpates, avec un peu de chance…


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163 - Propos de basse-cour


Mais où est ma place dans cette basse-cour,
Perdu dans la cacophonie de la volaille ?
Coq veillant sur la troupe, poulet qu'on égorge,
Chapon promis au festin ou poule aux œufs d'or ?
Comme tous mes congénères du poulailler,
Je picore le grain qu'on veut bien me jeter,
Sans me demander qui, et à quelle occasion,
Se nourrira d'une omelette ou d'un pilon.
Que pourrait-on bien attendre d'autre de moi ?
A-t-on déjà vu la révolte des poussins ?


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164 - Confusion


Mon ami Alexandre me cause du tracas.
Sa santé, ces temps-ci, est assez précaire.
Je vais essayer de vous expliquer son cas,
Rare et même plutôt extraordinaire.

Son esprit souffre d'une grande confusion :
Alexandre s'imagine qu'il est docteur,
Et moi son malade ; En somme une inversion.
Je joue le jeu pour ne pas réveiller ses peurs.

Mais de le guérir, je n'ai pas perdu l'espoir.
J'accepte de prendre sa place à l'asile,
Pendant qu'il rentre chez moi dîner tous les soirs.
Ma thérapie est, je crois, assez habile.

Tout le monde a compris l'intérêt de feindre
D'être dupe de cette étrange comédie.
Chacun prend soin de ne surtout pas le plaindre
Et d'obéir à tout ce qu'il prescrit ou dit.

Ma famille, mes amis et les infirmiers
Font semblant de me traiter comme son patient
Et moi-même, dans le parc, sous les grands palmiers,
Je médite sur la suite du traitement.

Mais pour travailler, j'ai besoin qu'il m'isole ;
Je vais simuler une crise assez grave
Pour qu'il me fasse passer la camisole,
La mort dans l'âme… Il est tellement brave.


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165 - C'est loin l'Afrique


Les Masaïs m'assaillent
De leurs cris, leurs écrits:
Du fric pour l'Afrique!
Des promesses, par mollesse, pour qu'ils me laissent:
Des craques ! je craque !
Je mens, je démens ces déments:
La misère dans l'Isère,
Connaît pas! On n'est pas
Des vaches à lait dans nos chalets,
On est différents, indifférents!


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166 - Service public


Un homme public et une femme publique,
L'un est très respecté et l'autre est pathétique.
Ils ont l'altruisme en commun, et bien plus encore :
Chacun sert les autres, de l'esprit ou du corps.

Pourtant, honorabilité, vulgarité
Sont leurs lots différents dans la réalité.
Quelquefois, tous les deux tarifent leurs services,
Mais à lui la vertu et à elle le vice.

Avant d'encenser l'un ou de condamner l'autre,
Prenons garde de n'être pas les apôtres
D'une fausse religion, d'un culte païen ;
Demandons-nous lequel des deux nous fait du bien…

J'en avais pour ma part une idée très précise,
Mais pour vous convaincre, vous l'assemblée indécise,
Il fallait encore faire une ultime expérience
Pour être sûr de qui enflamme vraiment nos sens.

J'ai donc sollicité les prestations payantes
De deux spécimens de ces espèces attrayantes :
Hélas, le député était hors de ma bourse;
L'autre ? Allez-y en confiance! Je paierai la course…


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167 - Conflit de générations


Son fils va le rendre fou;
Il n'écoute rien du tout
Et se fiche de tout.
Il faut le surveiller:
Il ne veut pas travailler;
Et ne fait que roupiller
Ou reste assis sur ses fesses.
Ah! il faut que cela cesse!
Il n'y a plus de jeunesse!
Lui, a fait des sacrifices
Et ne fume pas du cannabis,
Pas comme son ingrat de fils,
Cet espèce de garnement!
Mais il oublie simplement
Qu'il a été jeune avant…


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168 - Laisse-moi t'oublier


Le feu qui me dévore est toujours attisé
Et rien ne viendra jamais soulager mes plaies.
Personne ne peut se charger de ma douleur.
Mon cœur n'est plus que le siège d'un grand malheur.

Tu me trahis jusque dans mes songes la nuit.
Ton sourire ironique et cruel me poursuit.
Il ne suffit pas que tu m'aies abandonné,
Il faut encore que je ne puisse pardonner.

Mais le pire est sans doute de ne pas savoir
Si la haine ou l'oubli ont gardé le pouvoir
De me libérer de cette malédiction
De t'imaginer heureuse, pour ma sanction.


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169 - Les amants du net


Combien faut-il de solitude,
Pour ainsi prendre l'habitude
De guetter, fébrile, l'amour
Dans le silence tout autour,
De l'écran d'un ordinateur.
Etrange cyber-prédateurs,
Autant terrifiés que leurs proies,
Qui dissimulent leurs émois
Derrière la frappe d'un clavier.
Connaît-on des gens moins enviés
Et pour tout dire, plus tragiques,
Que ces amants électroniques?
La poésie de leur romance
Se perd sur le net, dans l'errance.


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170 - Mon pays


Je me tourne de toutes parts, je ne vois rien ;
Nul paysage familier où sont les miens.
Les liens sont rompus depuis longtemps, je le sais,
Avec tout ce que, derrière moi, j'ai laissé.

Il peut bien s'agir d'un taudis ou d'un château,
Ou même encore d'un éden ou d'un ghetto,
Chacun a besoin d'un lieu où se retrouver
Et voir ses plus beaux souvenirs se raviver.

Je suis exilé ou banni de ma contrée,
Ma seule chance est d'avoir pu te rencontrer
Et je ne veux plus connaître qu'un seul pays,
Celui de ton cœur que je découvre ébahi.


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171 - Le pouvoir de l'amour


J'entends parler partout du pouvoir de l'amour,
Je lis des slogans écrits dans ma rue et tout autour,
Sur les murs, les premières pages des journaux
Et même, avec des cœurs, tatoués sur les peaux.

Alors, je veux l'amour pour avoir le pouvoir ;
Le pouvoir d'aimer, le pouvoir d'encore y croire.
Ceux qui ont le pouvoir n'aiment que le pouvoir,
Alors comment encore y croire, comment savoir ?

Faut-il aussi aimer ceux qui ont le pouvoir?
Peut-être, mais je n'arrive pas à les croire
Quand ils me parlent de leurs horizons nouveaux,
Où l'amour coulera aussi pur que de l'eau.


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172 - L'accident


Aujourd'hui, je voulais lui faire ce cadeau,
D'arriver à l'improviste deux jours plus tôt,
D'être avec elle pour son anniversaire.
Le sort a pris a une décision contraire.

J'avais conduit, sans m'arrêter, toute la nuit,
En traversant, de part en part, tout le pays.
Près de ma destination, j'ai eu l'impression
De ne jamais pouvoir remplir cette mission.

J'ai dû m'assoupir un peu et j'ai cru rêver.
Je ne peux décrire ce qui est arrivé,
Sinon le bruit, puis le silence assourdissant
Et cette couleur d'un rouge resplendissant.

Je suis immobile, sans aucune émotion,
Sinon le désagrément de l'agitation.
Par pitié, que ces gens arrêtent de crier !
C'est agaçant, je n'arrive à voir que leurs pieds.

Sans bouger, je cherche un décor moins angoissant,
Mais les nuages sentent l'essence et le sang,
Et, d'un seul coup, je comprends que je suis passé
De l'autre côté, vers le côté du passé.


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173 - Chevalier malgré lui


La lance qui pourrait le transpercer
Ne saurait davantage le blesser
Que le regard narquois de la Reine
Méprisant son courage et sa peine.

C'est pourtant pour elle seule qu'il combat.
Sans elle, il n'aurait jamais fait un pas
Vers le champion du Roi pour le défier.
De ses impulsions, il faut se méfier !

Qu'est-ce qu'il est venu faire dans cette joute ?
Il commence à avoir de sérieux doutes
De pouvoir quitter en vie ce tournoi.
Même son armure tremble d'effroi.

Il est chevalier pour plaire à son père,
Il voulait plus que tout être trouvère ;
Et maintenant, il sait qu'il va mourir
Sans même y trouver le moindre plaisir.

Où est la poésie de cette fin ?
Est-ce donc le propre d'un esprit fin,
De se faire étriper pour les beaux yeux
D'une ingrate dame en guise d'adieu ?


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174 - Automne


L'automne est l'âge adolescent de nos saisons.
Il nous rappelle à peine l'été qu'il n'est plus,
Evoque, un peu, l'hiver qu'il sera devenu,
Jouant des sentiments, plus que de la raison.

L'automne est surtout la saison des poètes
Qui s'accommodent moins de la joie, du soleil,
Des peurs, des frimas, que des attraits sans pareils
De ce moment d'une langueur désuète.


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175 - La foule


Toujours marcher du même côté de la rue,
Réfréner l'envie de traverser hors des clous;
Surtout, prendre soin de passer inaperçu
Dans le sage et docile carnaval des fous.

Suivre la ligne imaginaire du trottoir,
Comme aiguillé par un pasteur invisible,
Avec le reste du troupeau, vers l'abattoir;
Ignorer tout autour, rester insensible.

Garder le même pas, cadencé, bien rythmé
A la fréquence de ceux qui passent devant;
Ressembler à ces gens aux visages grimés
Qui n'essaient même plus de paraître vivants.


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176 - Qui suis-je ?


Je danse, de carnavals en bals costumés,
Vêtu de haillons ou d'ensembles en lamé
Et changeant de masque pour suivre la musique,
Tantôt séducteur, arrogant, mélancolique…

Prenez mes traces si vous voulez me trouver.
Sachez que personne n'est jamais arrivé
A me reconnaître ainsi grimé dans la foule,
Tentez l'expérience, si cela vous défoule !

Si, par hasard, vous me rencontriez demain,
Je ne serai plus celui qui vous tiens la main,
Mais un passant indifférent ou dangereux.
Je vous assure que je ne joue pas un jeu !

Je suis comme vous, comme tous ces gens autour.
Au fond, peu nous importent les plus beaux atours,
Pourvu qu'ils révèlent notre âme sur l'instant,
Notre humeur, notre caractère si mouvants.

Je pourrais vous décrire celui que j'étais;
Sûrement pas, sans offenser la vérité,
Vous présenter l'homme éphémère que je suis,
Qui aura vécu avant la fin de la nuit.


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177 - Incapables d'aimer


Certains sont handicapés de l'amour.
Leurs tristes nuits sont comme tous leurs jours:
Aucune étoile ni soleil ne brille
Dans le cœur de ces garçons et ces filles.

Ce sont des inadaptés du bonheur,
Qui demeurent prisonniers de leur peur
De regarder l'autre en face et d'aimer,
Les sentiments atrophiés à jamais.

Est-ce une tâche de l'hérédité?
Il ne suffit pas de la volonté
Pour guérir ce mal qui ronge les âmes.

Mais peut-être la chance ou le destin
Peuvent changer un homme ou une femme,
Les invitant enfin au grand festin.


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178 - Autour du feu


Une brassée de bois et un air de guitare,
Notre habituel rendez-vous de couches-tard,
Autour d'un feu de camp nous rendait tous joyeux,
Comme les flammes et les notes au milieu.

Ces moments sont précieux, on le sait bien plus tard,
Quand on a rangé depuis longtemps les guitares,
Qu'il ne nous reste plus que la triste musique
De nos regrets, comme des refrains nostalgiques.

Mais il m'arrive parfois encore de chanter,
Dans ma tête, en silence, en pensant au passé,
De revoir, les yeux fermés, ces lointains souvenirs,
Ces fragments de pur bonheur et de leur sourire.


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179 - Qui a le droit ?


Nous sommes condamnés à mort dès la naissance.
Tous, faibles ou puissants, accueillons la sentence
Avec désespoir, courage ou résignation,
Sans pouvoir échapper à cette exécution.

La Nature ou bien Dieu, qui donc a décidé
De cette fatale issue ? Qui a eu l'idée
De donner la vie pour n'attendre que la mort ?
Cet être suprême n'a-t-il aucun remords ?

Incapables d'apporter la moindre réponse,
Certains hommes bornés persistent et s'enfoncent
Dans la plus tragique des spirales infernales,
Celle des magistrats, fiers dans leur tribunal.

Toi, le juge ! Tu te prétends assassin légal !
Prétentieux de vouloir, être de Dieu l'égal
Ou de décider à la place de la Nature,
De l'heure et du lieu de la fin d'une aventure.

Tu te déclares utile à l'homme ? Usurpateur !
La vie n'a nul besoin d'un tel appariteur,
Elle est un professeur qui saura enseigner,
Sans toi, que personne ne sera épargné.


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180 - Viens


Si tu te trouves un jour dans le doute,
Prends garde de ne croiser sur ta route
Un de ces prophètes menteurs,
Redoutable bonimenteur,
La voix plein de douceur, qui te dise:
Viens t'abriter dans mon église;
Viens,
Si ta vie ne t'apporte plus rien,
Je te montrerai ce qui est bien;
Viens,
N'écoute plus ceux qui nous méprisent,
Qui ne savent pas et qui médisent;
Viens,
Si tu veux avec moi méditer,
Tu découvriras la vérité;
Viens,
Nous emprunterons le chemin,
En nous tenant tous par la main;
Viens,
J'effacerai tous tes souvenirs
Pour te bâtir un autre avenir;
Viens,
Je ferai tes peines légères
Et toutes tes joies bien plus claires;
Viens,
Si tu suis bien tous mes préceptes,
Comme tous les autres adeptes
Tu ne seras plus esseulé,
Tu seras un des appelés,
Il te sera fait l'immense honneur
D'entrer dans l'Eglise du Bonheur.


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181 - Les courants de la misère


Combien sont-ils sous le seuil de la pauvreté,
A devenir criminels par nécessité?
Et ils tombent alors sous les coups de la loi,
Car nous oublions que nécessité fait loi.

Les émeutiers qui se transforment en pillards,
Sont-ils différents de Jean Valjean, ce gaillard
Envoyé au bagne pour un morceau de pain?
Ils se noient tous ensemble dans le même bain.

A laisser des malheureux ainsi dériver,
On ne devine pas ce qui peut arriver,
Dans les courants tumultueux du désespoir.

Essayons de tendre une main secourable,
Avant de juger, de condamner sans savoir,
Car la noyade est une mort effroyable.


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182 - Les nouveaux jeux du cirque


Une tranche de pain, une coupe de vin
Et puis des jeux, sous l'œil goguenard de César.
Que les choses aient changé, ce n'est pas si certain.
La fête du stade ne doit rien au hasard…

Les barbares ne sont plus tous dans l'arène
Mais dissimulés, bien à l'abri des gradins.
Parmi les supporters, il y a des gredins
Que seule l'envie d'en découdre amène.

Il y a toujours des Césars aux tribunes,
Mais les officielles, celles bien protégées ;
Sur les côtés, la plèbe peut bien s'arranger
D'assister au jeu, sans protection aucune.

Moi, je ne suis ni César, ni gladiateur ;
Et quitte à être traité de poule mouillée,
Je les laisse volontiers tous se débrouiller :
C'est devant ma télé que je suis spectateur.


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